L’attention et ses difficultés ont un impact sous-estimé chez les sujets ayant un trouble neurodéveloppemental. Distractions, pensées intrusives, centres d’intérêt divergent, surcharges cognitives, situations de double tâche… Voici des conditions qui viennent affecter l’attention et la concentration.
Qu’est-ce que l’attention ?
L’attention est un processus cognitif. Grâce à elle, les éléments importants et pertinents, pour la tâche à réaliser, pourront être sélectionnés. Notre cerveau traite, aidé de ce processus attentionnel, les expériences externes (sons, images, odeurs, saveurs, …) ou internes (émotions, sentiments, pensées…). Ces informations traitées, nous en prenons conscience.
Elle est un processus multidimensionnel, c’est pourquoi nous parlons d’attention sélective, soutenue et partagée. Nous avons donc différents types d’attention.
Les différents types d’attention
L’attention est un terme large. En réalité, elle revêt plusieurs formes.
L’attention soutenue :
Elle demande de conserver une attention stable et de manière continue sur une activité impliquant une certaine durée. Globalement, c’est l’attention que nous utilisons lorsqu’il ne se passe rien pour nous, que nous sommes passifs et que ça dure.
Elle demande donc un effort volontaire.
Normalement, cette attention soutenue chute fortement au bout de 30 minutes en moyenne. Plus le temps passe, plus cette elle va diminuer. Selon Norman Markworth, au bout d’une heure, l’ attention soutenue n’est qu’à 70% de sa capacité en moyenne.
Exemple :
Lorsque je conduis sur une autoroute très peu fréquentée.
Si mon travail est celui d’un veilleur de nuit.
Lorsque j’écoute une conférence.
L’attention sélective (ou focalisée)
Elle est une forme d’attention qui permet de sélectionner un élément parmi d’autres éléments qui nous distraient. Elle nous permet de nous focaliser sur un point précis d’une scène visuelle ou auditive, et d’en ignorer les autres. Grâce à elle, nous sommes capables de focalisation en inhibant les éventuels distracteurs.
➔ Lire : comprendre le processus d’inhibition
Elle permet donc de sélectionner les informations pertinentes et ne pas laisser distraire par des informations non pertinentes.
Exemple :
Lorsque je lis un livre, mon attention sélective me permet de rester focaliser sur le texte et je peux faire abstraction de l’image qui l’illustre.
Lorsque je suis dans un endroit bruyant, je vais le focaliser sur la voix de mon interlocuteur pour savoir ce qu’il me dit. Je vais détacher mon attention des bruits environnants pour entendre plus clairement ce qu’il me dit. C’est ce qui peut se passer, par exemple, lorsque je suis au restaurant ou si mes voisins discutent lors d’une conférence.
On retrouve deux types d’attention sélective : l’attention sélective auditive qui concerne les situations auditives, et l’attention sélective visuelle qui concerne les scènes visuelles.
L’attention divisée (ou partagée)
Elle est une forme d’attention qui permet de partager des informations venant de plusieurs sources (visuelles et/ou auditives) pour pouvoir les traiter en même temps.
Quand les deux tâches réalisées en même temps sont coûteuses au niveau cognitif, il y a une perte de qualité sur l’une des tâches voire sur les deux tâches. On parle alors de surcharge cognitive.
Si ces deux tâches sont très bien automatisées, nous sommes capables de les réaliser sans trop de difficultés. Elles sont moins coûteuses au niveau attentionnel et je peux donc les réaliser ensemble.
Par exemple
Lorsque j’apprends à conduire, si mon passager me parle, je n’ai pas la capacité de suivre la route qui défile devant moi, de faire attention aux autres usagers de la route et de suivre la conversation menée par mon passager.
En revanche, si j’ai l’habitude de conduire et que je conduis depuis plusieurs années, je suis capable de réaliser ses deux tâches simultanément : discuter et conduire.
Néanmoins, même si je suis un conducteur aguerri, lorsque le flot de véhicules se densifie, j’ai à nouveau besoin de me concentrer sur la route. Il faut donc que je priorise à nouveau les informations pertinentes prenant en compte les autres véhicules autour de moi. Gérer ces deux tâches (discuter et conduire), même si j’ai habitude de conduire depuis des années me mettrait en difficulté.
Les conditions pour que notre attention divisée soit utilisée de manière efficace sont donc très particulières.
Quelles différences entre attention et concentration ?
Ces deux termes ne veulent pas dire la même chose, même s’ils sont, dans le langage courant, utilisés comme synonymes. La concentration implique de mettre de côté tous les éléments non importants, indésirables ou non pertinents. Son champ d’action est donc nettement plus étroit que celui de l’attention. Elle nécessite une action volontaire.
Plus vous êtes concentré, moins vous ferez attention à ce qui se passe autour de vous ou à « l’intérieur » de vous. Plus vous serez attentif à ce qui se passe autour de vous ou à vos pensées, émotions…, plus vous serez en difficile pour vous concentrer. Attention et concentration sont deux processus interdépendants.
Focalisation et hyperfocalisation
La concentration de focalisation est très utile. Elle permet de focaliser son attention en nous isolant des interférences produites par d’autres stimulations. C’est grâce à elle que vous n’entendez plus rien lorsque vous êtes concentré sur votre sujet d’examen, mais également à cause d’elle que vous pouvez vous cogner dans un poteau lorsque vous marchez dans la rue lorsque vous êtes dans vos pensées.
Elle agit donc comme un aveuglement en portant une attention particulière uniquement sur une seule partie d’un tout ; par exemple, lorsque vous jouez à un jeu vidéo, l’environnement proche de vous ne semble plus exister, vous n’entendez rien, vous ne voyez rien en dehors des sons et images produites par votre jeu vidéo.
Les magiciens s’en servent en utilisant le détournement attentionnel. Ils font en sorte que nous soyons focalisés sur une carte ou un objet. Ainsi, nous sommes attirée cette carte ou objet, les autres éléments seront automatiquement mis de côté.
Le phénomène de double tâche
Notre cerveau peut-il faire deux choses à la fois ? La réponse est non, si ces deux tâches doivent être réalisées simultanément. En revanche, nous avons la possibilité, dans certaines conditions, de pouvoir traiter deux informations.
Pour bien comprendre ce qu’est une situation de double tâche, je vous laisse regarder cette vidéo.
Consigne : Il s’agit de compter les passes réalisées uniquement par l’équipe des joueurs ayant un tee-shirt blanc.
Combien de passes avez-vous compté ? Avez-vous le bon nombre ?
Pour avoir le bon nombre de passes, vous devez vous focaliser sur les joueurs vêtus d’un tee-shirt blanc. Comme votre attention est focalisée sur les passes, vous faites abstraction des autres éléments présents dans cette scène visuelle… et vous ne voyez pas le « gorille » passé entre les joueurs. Vous avez été comme aveuglé, car votre attention s’est centrée sur les joueurs ayant un tee-shirt blanc.
Nous sommes donc en difficulté lorsque nous devons réaliser deux tâches simultanément. Nous ne pouvons pas compter le nombre de passes réalisées par l’équipe en blanc et voir passer le gorille.
Le multi-tâche, une croyance illusoire ?
Il semblerait que nous ne puissions porter notre attention sur plus d’une information sensorielle à la fois lorsque celles-ci nous parviennent simultanément. Il se produit alors un goulot d’étranglement ne permettant le traitement que d’une seule tâche à la fois. Le traitement de la seconde tâche sera donc retardé lorsque nous sommes en situation de double tâche. Il serait donc illusoire de penser que nous pouvons fonctionner en multi-tâches. Une tâche est automatiquement prioritaire et la seconde tâche engagée subit alors un traitement d’une moindre qualité.
Les femmes n’ont donc plus de fonctionnement multi-tâches que les hommes comme le pense souvent la croyance populaire. C’est ce que l’on appelle un neuromythe. Les hommes et les femmes ont les mêmes capacités face aux tâches multiples. Les fluctuations hormonales des femmes viendraient même amoindrir leur performance en cas de réalisation multi-tâches. En revanche, les femmes utiliseraient plus facilement des stratégies, notamment d’organisation, pour pouvoir réaliser plusieurs tâches.
Néanmoins, nous pouvons avoir l’impression de pouvoir réaliser certaines tâches simultanément. Même si l’une des tâches (généralement, la première) restera toujours prioritaire, deux tâches peuvent « presque » être traitées ensemble. Comment ? Il est alors essentiel que les deux tâches ne soient pas en compétition dans les processus cognitifs qu’elles utilisent. Les deux tâches ne doivent donc pas avoir le même mode d’entrée et/ou sortie (par exemple, deux tâches auditives, ou deux tâches visuelles…). Ces deux tâches doivent être des tâches routinières, et donc réalisées régulièrement et de courte durée.
Les situations de double tâche en cas de troubles neurodéveloppementaux.
Les troubles neurodéveloppementaux sont des troubles qui affectent le développement typique entraînant une altération du fonctionnement personnel, social, scolaire ou professionnel. Ils sont dans des déficits développementaux entraînant des limitations. Parmi eux se trouvent, en autres, les troubles spécifiques des apprentissages, les troubles moteurs, les troubles de la communication, déficit d’attention / hyperactivité. La dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH et autres troubles dys comme ils sont appelés dans le langage courant font donc partie des troubles neurodéveloppementaux (depuis le DSM-5).
Pourquoi les troubles dys engendrent-ils des difficultés attentionnelles ?
Les limitations entraînées par les troubles dys (troubles neurodéveloppementaux) impactent les capacités de certaines fonctions cognitives. L’attention est donc portée principalement en vue de compenser les limitations subies par le trouble lui-même.
➔ Lire : Les troubles de l’apprentissage
Un dyspraxique par exemple utilisera ses ressources attentionnelles lors de la réalisation de gestes, puisque les praxies ne sont pas automatisées. Chaque geste est alors soumis à un contrôle attentionnel. A bout d’un moment, les ressources attentionnelles ne sont plus suffisantes pour réaliser certaines tâches. Les dyspraxiques ont donc fréquemment des difficultés attentionnelles, voire un TDAH.
➔ Lire : Mieux comprendre la dyspraxie
Il en est de même pour les dysphasiques. La dysphasie affecte la communication et plus particulièrement le langage oral qui est altéré sur plusieurs niveaux (prononciation, élocution, compréhension…) et d’un point de vue structurel. Une dysphasie va donc tout au long de la journée être attentif au déchiffrage des mots qu’il entend (dysphasie de réception) et/ou sur les mots qu’il doit émettre (dysphasie d’émission) lorsqu’il communique avec un interlocuteur. Il est donc constamment mobilisé, du moment où il est soumis à des situations langagières orales. Il se retrouvera donc également avec des difficultés attentionnelles, voire un TDAH.
➔ Lire : Mieux comprendre la dysphasie
Les moyens de compensation sont donc l’une des clés de la réussite des personnes ayant un trouble neurodéveloppemental, car ils permettent de réduire, voire d’effacer leur limitation. Ainsi, la surcharge cognitive engendrée par le trouble lui-même s’en trouve réduite, libérant ainsi des capacités attentionnelles de meilleure qualité.
➔ Lire : Mieux comprendre la dysgraphie
Par exemple, les dysgraphiques ont une limitation dans leur geste d’écriture. Le geste d’écriture n’est pas automatisé et se réalise sous un contrôle attentionnel constant. Lorsqu’ils doivent réaliser une tâche associée à une tâche d’écriture, comme une dictée ou une rédaction, ils n’ont plus suffisamment de ressources attentionnelles pour réaliser ces autres tâches. L’ orthographe, la grammaire, et la conjugaison ne peuvent être traités simultanément avec la tâche d’écriture. Pour compenser cette limitation, le passage à l’ordinateur est alors proposé. Il permet alors au dysgraphique de compenser l’altération cognitive engendrée par sa dysgraphie et, de fait de permettre à nouveau un meilleur processus attentionnel. Ainsi, d’autres tâches réalisées avec une écriture informatisée automatisée seront alors possibles.
➔ Voir la formation sur la dysgraphie
Lilian, terminale, dysgraphique
Chaque année, j’ai au moins un prof qui me dit de prendre des notes. Je lui montre que je suis bien en train de le faire. Ils sont surpris parce que je tape tout en les regardant parler.
NB : Lilian a automatisé sa frappe en clavier caché.
L’attention chez le TDAH
Le TDA/H est un Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité.
➔ Lire : TDA/H, Trouble Déficit d »Attention / Hyperactivité
Chez le TDAH, toutes les informations sont bien reçues, tant de l’environnement extérieur que de son monde intérieur. Sa difficulté attentionnelle est de sélectionner les informations pertinentes lorsqu’il doit réaliser une tâche. Il n’arrive pas à prioriser les informations perçues, ni à les hiérarchiser. Toutes les informations sont donc bien perçues, contrairement aux idées reçues. Comme aucune information n’est triée, le TDAH n’arrive pas à se concentrer.
Sélectionner des informations pertinentes, prioriser certaines informations, et les hiérarchiser sont des tâches impliquées dans un processus exécutif. C’est d’ailleurs pour cette raison que le TDAH est associé à un trouble des fonctions exécutives, voire un syndrome dysexécutif.
➔ Lire : Mieux comprendre le fonctionnement des fonctions exécutives
L’attention est également le processus qui permet d’aller jusqu’au bout de la réalisation d’une tâche, c’est pour l’une des raisons pour laquelle les TDAH ont des difficultés à terminer une tâche engagée.
Comme pour les autres troubles neurodéveloppementaux, l’altération des capacités attentionnelles vient limiter le traitement des tâches à réaliser.
Vous vous questionnez, vous avez besoin d’être accompagné, de mieux comprendre certains fonctionnements ou dysfonctionnements, d’aide pour gérer le quotidien, de conseils, de recommandations concernant la scolarité, l’organisation des devoirs, d’être guidé en tant que parent ?
Ces autres articles pourraient vous intéresser
Dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH, dysgraphie… comment savoir si j’ai un trouble dys ?
Il y a différents éléments qui peuvent favoriser et également nuire à la qualité de notre attention. Je vous ai expliqué qu’il y avait des liens étroits entre les habitudes, les émotions, l’objectif que nous nous fixons et notre état attentionnel. Voyons ensemble comment privilégier cette attention… si fragile…
Sois attentif et concentre-toi !
Sois attentif ! Ecoute ! Concentre-toi ! dire ces phrases permettent-elles d’aider à se concentrer ? Comment faire autrement ? Des phrases que nos jeunes entendent souvent… mais que veulent-elles dire pour eux ?…
L’influence des émotions sur l’attention
Quelle est l’influence des émotions sur l’attention ? Nous savons que l’attention est une capacité très sensible pour tous, dyslexiques, dyspraxiques, hauts potentiels… ou non. Elle nous permet de traiter les informations perçues. Néanmoins, elle est sensible à la valeur
L’attention est une capacité très sensible pour tous. Elle l’est d’autant plus chez les enfants touchés par une dyslexie, une dysphasie, une dyspraxie ou un déficit d’attention (TDAH). Quels éléments favorisent notre attention ?
Mieux comprendre les fonctions exécutives
Les fonctions exécutives correspondent aux capacités nécessaires à une personne pour s’adapter à des situations nouvelles, c’est-à-dire non routinières, pour lesquelles il n’y a pas de solution toute faite. Qu’est-ce que les fonctions exécutives ? L’imbibition ? La planification ? La flexibilité mentale ? Quels liens y a-t-il entre eux ?
Le burnout parental, parlons-en !
Le burn out parental touche bien plus de parents que nous pouvons le penser. Pourtant, nombreux sont les parents qui reconnaissent ressentir cet épuisement parental. Les parents ayant des enfants au développement atypique y sont plus sujets. Pourquoi ? Et vous, où en êtes-vous ?