Aider les jeunes à exprimer leurs émotions
L’attentat, hier, de Charlie a touché toute une population. Cette violence touche à nos valeurs et résonne en nous. Nous, tous. Et dans ce « tous », il ne faut pas oublier les jeunes et notamment les jeunes EIP.
Chez eux, cet événement risque d’avoir un retentissement important. Il touche à l’injustice, aux valeurs de liberté et de tolérance. Des mots qui leur sont chers ! Chez les EIP, leurs émotions vont être amplifiées comme une fonction exponentielle : « des enfants au cœur de cristal » comme l’écrit si justement Jean-François Laurent.
Comment faire alors pour les aider ?
1 – Respecter leurs émotions.
L’une des premières choses à faire est surtout de respecter leurs émotions.
Certains peuvent se mettre à pleurer devant cette violence qui leur paraît incompréhensible. Laissez les pleurer, il n’est pas ridicule de pleurer quand on ressent une douleur même si elle n’est pas physique. Rassurez-les. Grands ou petits, la tendresse permet aussi d’atténuer cette douleur : câlins, bisous, mots tendres…
Laissez-les exprimer toutes leurs émotions : la tristesse comme la colère. Aidez-les à mettre des mots, à exprimer leur ressenti, faites leur verbaliser. Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises émotions, il y a celles que l’on ressent, c’est tout.
Ne vous moquez pas. Leurs émotions peuvent être très fortes. Ne jugez pas leurs propres émotions. Respectez-les. Évitez les phrases qui jugent : « tu ne vas pas pleurer quand même… », « c’est exagéré quand même… », « inutile de te mettre dans un tel état… ».
Quand les émotions deviennent trop envahissantes, il est toujours possible d’utiliser la respiration abdominale.
2 – Admettre vos émotions
Vous aussi vous avez été bouleversé. Cet attentat vous a choqué. Il a aussi déclenché chez vous des émotions fortes. En effet, bien des parents d’EIP sont précoces eux-mêmes et ont donc en commun cette hypersensibilité. Admettre d’exprimer ses émotions en tant qu’adulte n’est pas une preuve de faiblesse, mais montre simplement que vous êtes, vous aussi, touché dans votre cœur.
C’est l’occasion de verbaliser aussi avec eux vos ressentis. C’est l’occasion de partager ce qui se passe dans votre tête et également dans votre corps. Une occasion de voir et d’entendre qu’ils ne sont pas tous seuls.
Il est fort probable que cela facilitera aussi la verbalisation de leurs propres émotions.
3 – Mettre du sens
Tenter de répondre à leurs questions. Nous n’avons pas toujours la réponse et ce n’est pas grave. Nous aussi, nous avons besoin de mettre du sens de comprendre pourquoi. Mettre du sens permettra de rassurer votre enfant. Expliquez-lui qui était Charlie Hebdo, qui étaient les personnes qui ont été assassinées, au nom de qui et de quoi cet attentat a-t-il eu lieu, pourquoi parle-t-on de ne pas faire d’amalgame… Leur permettre d’essayer de comprendre et d’exercer leur esprit critique, c’est leur permettre de faire un pas en avant vers la compréhension. Les aider à aller plus loin : c’est l’occasion aussi de discuter de la place de la liberté d’expression, du terrorisme, des différentes religions, de la satire…
4- Et après que faire ?
Bien souvent, les EIP auront besoin d’exprimer autrement leurs ressentis. De quoi ont-ils besoin ? Certains voudront allumer une bougie, d’autres mettront dans leur chambre, sur leur cahier : « je suis Charlie », certains voudront aller aux marches silencieuses, organiser quelque chose dans leur collège ou lycée… Un besoin d’action pour se sentir dans un mouvement qui apaise.
Laissez-les faire et respectez leur démarche. Vous aussi vous aurez les vôtres. Personnellement, j’ai eu besoin de mettre une bougie sur ma fenêtre hier. Je ferai aussi une minute de silence ce jour à midi.
5 – Ne pas en rester là et faire du lien.
Ce qui est le plus douloureux pour les EIP, c’est sûrement ce sentiment d’impuissance. « Il y a eu un attentat, on bafoue la liberté et on reste comment ça. Rien ne change… ». Sentiment inadmissible pour eux !
Non, ils ne sont pas obligés d’en rester là. C’est le moment de les interroger sur leur rôle à eux dans la société. Mettre en lien ce qu’ils ont appris et compris et leur manière de vivre. Que compte-t-il changer en eux ? Que compte-t-il renforcer ? Et comment ?
Nous sommes tous Charlie