Dyslexie : faire valoir ses droits aux examens (jurisprudence)

Conclusions de Dominique Marginean-Faure, rapporteur public à la Cour administrative d’appel de Lyon

 

Trouvé  pour vous sur le site : Association Lyonnaise de droit administratif (voir le site : ici)

Le refus de tiers temps supplémentaire est soumis au contrôle normal du juge.

Le code de l’éducation prévoit qu’un temps supplémentaire peut être octroyé aux candidats aux examens et concours de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur qui présentent un handicap ou un trouble de la santé invalidant, afin de garantir l’égalité des chances entre les candidats.
En la matière, le juge administratif exerce un contrôle normal sur la décision de refus de tiers temps supplémentaire opposé par l’administration. En l’espèce, l’inspectrice d’académie se bornait à se référer à un avis laconique du médecin de la commission des droits et de l’autonomie, sans indiquer pour quels motifs les arguments précis et sérieux que les requérants faisaient valoir ne pouvait être retenus, et alors même qu’elle n’était pas tenu de se conformer audit avis.

Par conséquent, la décision de l’inspectrice d’académie refusant de procéder à l’aménagement des conditions d’examen du diplôme national du brevet pour un élève atteint de dyslexie-dysorthographie phonologique, et donc d’un handicap cognitif, est entachée d’une erreur d’appréciation.

Voici le détail de la jurisprudence, disponible sur Légifrance.fr

Le : 22/05/2011

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 09LY01666

Inédit au recueil Lebon

6ème chambre – formation à 3

M. VIVENS, président

M. Henri STILLMUNKES, rapporteur

Mme MARGINEAN-FAURE, rapporteur public

lecture du jeudi 9 décembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 20 juillet 2009, présenté par le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE ;

Le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0902149, en date du 4 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. et Mme A, a annulé la décision de l’inspectrice d’académie de l’Isère, en date du 26 mars 2009, rejetant leur recours gracieux dirigé contre la décision du 4 février 2009 de refus d’aménagement des conditions d’examen pour leur fils Joris A, en vue du diplôme national du brevet ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A ;

Il soutient que, compte tenu du nécessaire respect du secret médical, le médecin désigné par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’était pas tenu de motiver son avis, et que l’administration n’a au demeurant pas compétence pour apprécier la pertinence d’un tel avis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 2 juin 2010 à M. et Mme A, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 novembre 2010 :

– le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller,

– et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. et Mme A, a annulé la décision de l’inspectrice d’académie de l’Isère, en date du 26 mars 2009, rejetant leur recours gracieux dirigé contre la décision du 4 février 2009 de refus d’aménagement, pour leur fils Joris A, des conditions d’examen du diplôme national du brevet pour la session du mois de juin 2009 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 112-4 du code de l’éducation : Pour garantir l’égalité des chances entre les candidats, des aménagements aux conditions de passation des épreuves orales, écrites, pratiques ou de contrôle continu des examens ou concours de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur, rendus nécessaires en raison d’un handicap ou d’un trouble de la santé invalidant, sont prévus par décret. Ces aménagements peuvent inclure notamment l’octroi d’un temps supplémentaire et sa prise en compte dans le déroulement des épreuves, la présence d’un assistant, un dispositif de communication adapté, la mise à disposition d’un équipement adapté ou l’utilisation, par le candidat, de son équipement personnel ; qu’aux termes de l’article D. 112-1 du même code : Afin de garantir l’égalité de leurs chances avec les autres candidats, les candidats aux examens ou concours de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur qui présentent un handicap tel que défini à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles bénéficient des aménagements rendus nécessaires par leur situation, dans les conditions définies aux articles D. 351-27 à D. 351-32 en ce qui concerne l’enseignement scolaire (…) ; qu’aux termes de l’article D. 351-27 du même code : Les candidats aux examens ou concours de l’enseignement scolaire qui présentent un handicap peuvent bénéficier d’aménagements portant sur :

/ 1° Les conditions de déroulement des épreuves, de nature à leur permettre de bénéficier des conditions matérielles ainsi que des aides techniques et humaines appropriées à leur situation ;

/ 2° Une majoration du temps imparti pour une ou plusieurs épreuves, qui ne peut excéder le tiers du temps normalement prévu pour chacune d’elles. Toutefois, cette majoration peut être augmentée, eu égard à la situation exceptionnelle du candidat, sur demande motivée du médecin et portée dans l’avis mentionné à l’article D. 351-28 ;

/ 3° La conservation, durant cinq ans, des notes à des épreuves ou des unités obtenues à l’examen ou au concours, ainsi que, le cas échéant, le bénéfice d’acquis obtenus dans le cadre de la procédure de validation des acquis de l’expérience, fixée aux articles R. 335-5 à R. 335-11 ;

/ 4° L’étalement sur plusieurs sessions du passage des épreuves ;

/ 5° Des adaptations ou des dispenses d’épreuves, rendues nécessaires par certaines situations de handicap, dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’éducation ; qu’aux termes de l’article D. 351-28 du même code : Les candidats sollicitant un aménagement des conditions d’examen ou de concours adressent leur demande à l’un des médecins désignés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

/ Le médecin rend un avis, qui est adressé au candidat et à l’autorité administrative compétente pour ouvrir et organiser l’examen ou le concours, dans lequel il propose des aménagements. L’autorité administrative décide des aménagements accordés et notifie sa décision au candidat ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles : Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ;

Considérant que, pour estimer que l’inspectrice d’académie de l’Isère avait commis une erreur d’appréciation dans l’application des dispositions précitées, le Tribunal a retenu qu’il ressort des pièces du dossier, notamment d’un rapport établi par une orthophoniste, ainsi que de l’avis favorable émis par le professeur principal de la classe sur la demande d’aménagement des conditions d’examen, que la dyslexie-dysorthographie phonologique dont souffre le jeune Joris A rend nécessaire pour lui de disposer d’un tiers-temps supplémentaire pour exprimer ses capacités et connaissances à égalité de chance avec les autres élèves, nonobstant son handicap cognitif ; que le Tribunal a, au surplus, relevé que l’inspectrice d’académie se bornait à se référer à l’avis laconique du médecin de la commission des droits et de l’autonomie, qui ne fournit aucune précision sur les motifs susceptibles de justifier le refus opposé ; que le ministre, qui admet la réalité des troubles dont souffre le jeune Joris A, se borne à soutenir que l’avis médical sur lequel s’est fondée l’inspectrice d’académie ne serait pas soumis à obligation de motivation et qu’il n’appartiendrait pas à l’administration d’apprécier la pertinence d’un tel avis ; que, toutefois, l’inspectrice d’académie n’était pas tenue de se conformer à l’avis qui lui avait été soumis ; qu’il lui appartenait en outre, dès lors que les requérants faisaient valoir dans le cadre du débat contradictoire des arguments précis et sérieux sur la nature et la gravité des troubles justifiant qu’un aménagement des conditions d’examen soit mis en place, d’indiquer, le cas échéant, pour quels motifs ces éléments ne pouvaient être retenus ; qu’à défaut de toute contestation sérieuse de la réalité et de la gravité des troubles dont souffre le jeune Joris A, la décision de refus doit être annulée comme entachée d’erreur d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. et Mme A ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Stéphane A et au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Délibéré après l’audience du 18 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 09LY01666

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