Dyslexie : lecture, le cycle 3 mis en cause ?

Pour le chercheur Bernard Lété (Lyon 2), les compétences en lecture des élèves de CP et CE1 sont conformes à ce qui est attendu. C’est à partir du CE2 qu’apparaît un décrochage brutal qui s’aggrave en CM1 et CM2.

C’est à l’occasion des conférences des « jeudis de la DEPP » que Bernard Lété (Université Lyon 2 – Laboratoire de psychologie cognitive) est venu le 19 mai présenter ses travaux sur l’évolution du niveau en lecture du CP au CM2 : Pourquoi devient-on « mauvais lecteur » au cours du cycle 3 alors qu’on était « bon lecteur » à la fin du CP ?

Bernard Lété est spécialiste de l’étude du traitement du mot écrit : réception en lecture et production d’écrit, déficits en lecture, retard mental. Les résultats qu’il présente sont issus de données recueillies à l’occasion d’autres recherches, effectuées dans une école de 300 élèves de Lyon depuis 2003. Les passations diverses incluent le test de l’Alouette tous les ans et pour tous les élèves : ce test de trois minutes se fait à partir d’un texte de 265 mots, unique pour tous les niveaux, qui permet un étalonnage fonction du nombre de mots lus et du nombre d’erreurs : une table de résultats détermine un âge lexical de niveau. Par exemple niveau CE1 janvier ; niveau CM2 septembre.

Les résultats sont sans appel : au CP et au CE1 les élèves sont à l’heure et même légèrement en avance. Par contre, dès le CE2, le nombre d’élèves en retard explose, le retard se généralise et s’accroît en CM1 et CM2. Pour Bernard Lété, le problème ne se situe pas au CP car les élèves apprennent à lire correctement.

Or les politiques éducatives et les discours institutionnels relaient d’une part les pourcentages d’élèves en grande difficulté de lecture (JAPD, notes d’informations du ministère, PISA…), et d’autre part promeuvent – comme solution à ces difficultés – un renforcement des activités de lecture au CP à partir d’exercices d’entraînement. Le chercheur prend pour exemples une recherche en cours à Lyon (activités d’entraînement au CP) ainsi que l’outil proposé à tous les enseignants « Je lis avec Léon », deux actions commanditées par le ministère mais hébergées sur des sites d’éditeurs privés alors que le service public existe encore. Quant aux enseignements que l’on peut tirer des résultats des neuro-sciences et de l’imagerie cérébrale, Bernard Lété alerte sur l’impossibilité de s’en servir comme base des politiques éducatives.

Niveau de lecture : La note de la DEPP sur la comparaison des performances en lecture entre 1987, 1997 et 2007 montre une chute de performance plus importante entre 1997 et 2007 et plus forte chez les élèves de familles défavorisées. Les chiffres sont à peu près les mêmes que ceux indiqués par les tests des JAPD : toujours les 15 à 20% d’élèves fragiles dont 4 à 5% en très grandes difficultés.

Apprentissage de la lecture : Pour acquérir la lecture habile, il faut combiner compréhension du langage (vocabulaire + raisonnement + connaissances) et reconnaissance des mots (décodage + reconnaissance directe des mots fréquents) avec des comportements de plus en plus stratégiques et de plus en plus automatisés. Cela nécessite plus d’un an ou deux, voire au-delà de l’école primaire, pour arriver à se détacher des aspects phonologiques tout en étant capable d’y revenir si besoin, pour stocker de plus en plus de mots dans son lexique mental et faire de moins en moins d’erreurs. Ces accélérations de la stratégie et de l’automatisation, au cœur des activités de lecture du cycle 2, devraient donc être travaillées en tant que telles au cycle 3 !

 

Publié sur SNUipp.fr , le 22 Mai 2011.

(Site du Syndicat National Unitaire des Instituteurs et Professeurs des écoles et PEGC : ici)

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