L’article (lire l’article ci-après) paru dans le monde est encore un bel exemple de ce sentiment de soulagement induit par la reconnaissance de sa douance. Savoir le pourquoi de ce sentiment de différence permet de mieux gérer le comment faire, parce qu’il permet aussi de mieux se comprendre pour mieux s’accepter.
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Be APIE – Jean-François Laurent : ici
ou encore « Trop intelligent pour être heureux ? l’adulte surdoué » – Jeanne Siaud-Facchin
.. entre autres.
Les maux inavoués des adultes surdoués
Source : lemonde.fr
Un sentiment de soulagement, de reconnaissance, et une reprise de confiance en soi. C’est ainsi que beaucoup d’adultes, tardivement diagnostiqués surdoués, décrivent ce qu’ils ont ressenti lorsqu’ils ont pu mettre un mot sur leur « différence ». Car, contrairement aux idées reçues, posséder une intelligence exceptionnelle n’est pas une garantie de bonheur et de réussite. Pas facile en effet de vivre en se sentant en permanence en décalage avec les autres, jugés trop lents, conformistes et sans fantaisie ; de supporter leurs moqueries, leur gêne, voire leur effroi face à une manière de penser, de réagir ou de s’exprimer différente.
La « surdouance », mot barbare utilisé pour désigner une intelligence hors norme et qui se caractérise par une curiosité insatiable, un mode de raisonnement arborescent (fonctionnant par association d’idées), une hyperactivité, une hypersensibilité, voire une extralucidité, concernerait environ un million d’adultes en France, selon les spécialistes. Si certains surdoués vivent très bien avec leurs aptitudes, d’autres sont en grande souffrance, se voient comme des marginaux, sont blessés de lire dans le regard des autres leur étrangeté.
« Avoir un QI élevé, ce n’est pas tellement être quantitativement plus intelligent que les autres, mais surtout avoir un fonctionnement qualitativement très différent au niveau intellectuel », souligne Jeanne Siaud-Facchin, auteure de Trop intelligent pour être heureux (éd. Odile Jacob, 2008). La psychologue surnomme affectueusement ses patients « les zèbres », animaux avec lesquels les surdoués partagent grâce et gaucherie.
C’est le cas de Geneviève Broutechoux, 52 ans, qui s’est résignée à quitter la France pour tenter de mener une vie meilleure en Angleterre où, dit-elle, « on considère les gens pour ce qu’ils font et non pour ce qui se dégage d’eux ». Diplômée d’HEC, elle a occupé en France plusieurs postes sans vraiment réussir à s’épanouir. « Je ne me suis jamais sentie à l’aise au sein d’une équipe. Cela m’irrite de constater que l’on n’évolue pas au même niveau. » Diagnostiquée surdouée récemment après des années de psychothérapie pour tenter de trouver« ce qui cloch(ait) » en elle, Geneviève a reçu cette révélation comme « une reconnaissance ». C’est en lisant le livre de Jeanne Siaud-Facchin puis celui de Monique de Kermadec L’Adulte surdoué (Albin Michel, 2011) qu’elle a compris d’où venait son mal-être. « Je me suis reconnue complètement dans les profils et les parcours retracés dans ces ouvrages », témoigne-t-elle. Un temps, elle projette de rejoindre l’association Mensa (« la table », en latin, qui regroupe des personnes à haut potentiel intellectuel et compte environ un millier d’adhérents en France), dans l’espoir de pouvoir dialoguer avec des gens susceptibles de la comprendre. Mais finalement y renonce.
A Londres, elle travaille actuellement dans le secteur de l’analyse d’opinions. « Je suis fine, je comprends très vite ce que les gens sont sans qu’eux-mêmes le sachent », dit-elle, doutant cependant de conserver ce poste longtemps. « Rien ne dure, à cause du décalage que je ressens entre moi et les autres », confie-t-elle. Sa vie sentimentale est également chahutée : « C’est difficile de rencontrer un homme réellement à la hauteur. » Quand elle regarde en arrière, elle dit ressentir« une immense détresse » : « On peut souffrir d’une mauvaise estime de soi tout en étant certain d’être quelqu’un de bien », résume-t-elle.
« Les adultes que je reçois ont longtemps vécu avec leur différence secrètement, comme un aspect négatif de leur personne dont ils ne pouvaient parler, témoigne Monique de Kermadec. Lorsqu’ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils ne souffrent pas d’une pathologie psychiatrique, c’est pour la plupart l’occasion d’un redémarrage », poursuit la spécialiste.
C’est souvent lors d’une consultation pour leur enfant que des adultes découvrent leurs « surdons ». En effet, si l’on diagnostique aujourd’hui très tôt les enfants à fort QI, ce n’était pas le cas il y a une trentaine d’années.
« Lorsque le psychologue a détaillé le fonctionnement de Mathilde, j’ai eu l’impression de retourner vingt-cinq ans en arrière, quand moi-même, enfant, je faisais des crises parce que je comprenais tout mais n’arrivais pas à répondre aux attentes des autres. J’ai fait le test peu après Mathilde. Il s’est avéré que je suis un surdoué qui s’ignorait », rapporte Clément, ingénieur trentenaire, père d’une fillette de 5 ans, qui a souhaité conserver l’anonymat. Depuis, il fréquente beaucoup les sites et forums spécialisés (notamment Lestribulationsdunpetitzebre.com, site créé par une mère partageant la surdouance avec son enfant). Il espère que le diagnostic précoce de Mathilde lui évitera une scolarité « chaotique » comme la sienne, jalonnée de redoublements et de passages dans le privé en dépit des « très grandes compétences » dont témoignent ses livrets scolaires.
Ce décalage entre des capacités supérieures à la moyenne et la difficulté à se conformer à des directives perturbe parfois tellement les études que l’élève se voit contraint de les arrêter. Adulte, il gardera un sentiment de frustration d’être passé à côté d’une belle carrière, « de ne pas avoir pu trouver sa place », explique Monique de Kermadec.
Agé de 19 ans, Léonard (il a choisi de se dissimuler derrière ce nom emprunté à un personnage de théâtre qu’il affectionne) a eu une scolarité douloureuse mais, depuis qu’il se sait surdoué, il s’investit avec « davantage de confiance » dans sa prépa HEC. Lorsque l’on rencontre ce fin jeune homme au regard clair, on est touché par la passion qui l’anime et le soin qu’il met à chercher le mot juste pourraconter son histoire.
« Déjà petit on me disait que je parlais comme les adultes. D’ailleurs je n’étais bien qu’avec eux », dit-il. Très tôt des interrogations l’obsèdent : « Suis-je marginal ? Suis-je plus bête que les autres ? » Emotif, il « absorbe la souffrance des autres comme une éponge ». En classe, on lui reproche d’être « trop cérébral », de « trop se disperser ». Il mène néanmoins son chemin cahin-caha, redouble sa 1re, décroche son bac. La révélation, à 18 ans, de sa surdouance a agi « comme un coup de fouet », même si une insatisfaction demeure : « Je pense toujours que je pourrais faire mieux », dit-il, avouant traverser encore des phases de dépression.
« Le regard porté sur les enfants surdoués a beaucoup évolué ces quinze dernières années, observe Monique de Kermadec. J’espère que pour les adultes, confrontés à une certaine méfiance quand ce n’est pas du rejet, il va désormais pouvoir évoluer aussi favorablement. »