Dyslexie, dyspraxie, dysphasie : espacement facilitant la lecture

Même si les causes de l’origine de la dyslexie sont encore débattues, le consensus est un objectif commun : comment faire en sorte que les dyslexiques lisent plus rapidement ? Autrement dit, comment arriver à lire plus de mots en moins de temps.

Marco Zorzi, chercheur italien a mené une étude qui révèle l’une des solutions possibles pour répondre à cette question (lire le communiqué de presse du CNRS : ici)

A.E Cunningham, chercheuse sur le développement cognitif de la lecture KE Stanovich, professeure de psychologie appliquée ont réalisé, en 1998, une étude qui nous disait déjà qu’un enfant lit en moyenne 2 000 000 de mots en dehors de l’école alors qu’un enfant « mauvais lecture » n’en lisait que 8 000 soit plus 200 fois moins ; un enfant dyslexique lit en une année ce qu’un bon lecteur lit en 2 jours. Un constat inquiétant !

For ex-ample,the average child at the 90th percentile reads almost two million words per year outside of school, more than 200 times more words than the child at the 10th percentile, who reads just 8,000 words outside of school during a year.To put it another way, the entire year’s out-of-school reading for the child at the 10th percentile amounts to just two days reading for the child at the 90th percentile!

[Cunningham AE, Stanovich KE (1998) What reading does for the mind]

Il est clair que les difficultés de lecture rencontrent par les dyslexiques ne leur donnent pas non plus confiance dans leur capacité de lire. La lecture reste difficile pour eux et retreignent l’acte de lire.

La première approche pour remédier à la dyslexie est généralement une approche dans un entrainement dans les tâches permettant d’être compétent en lecture avec, notamment, une remédiation en phonologie. Même si cette approche donne des résultats, elle n’améliore pas de manière automatique la lecture. Les études menées par Michel Habib (s’appuyant sur les études Tallah… voir ici) parlent de 15 à 20% d’amélioration de la conscience phonologique après entrainement spécifique et montrent donc l’effet bénéfique de entraînement temporo-phonologique. L’étude de John A. Agnew, en 2004, montre que les effets sont plus sur la conscience phonémique plus que sur l’acte de lire lui-même.

La seconde approche est de se canaliser l’aspect physique autrement dit le matériel nécessaire à la lecture : le type de police, la taille… On s’aperçoit alors que très peu d’études sont menées dans ce sens. En 2009, « Crowding, reading, and developmental dyslexia. » menée par Martelli M, concluait que l’analyse des mots chez les dyslexiques était ralentie à cause de la limitation d’identification des lettres par le champ visuel. Cette limitation des lettres serait due à un encombrement mais la compensation de cet encombrement envisagée à l’époque n’amène pas de résultats probants en termes de vitesse de lecture.

En même temps, des questions restent posées.

En 2007, Pilli (Crowding and eccentricity determine reading ) avait réalisé une étude dans laquelle il mettait en lumière qu’il était plus facile de lire une lettre isolée que dans un groupe de lettre. Le groupe de lettres formant un encombrement visuel ne permet pas d’identifier rapidement les lettres une à une : les lettres semblent se serrer les unes aux autres.

Nous savons également que la vitesse de notre lecture est liée aux nombres de lettres vu en une fixation oculaire c’est-à-dire dépendante de la taille de notre empan visuel (lire : les troubles neurovisuels). A ce nombre de lettres vient également s’ajouter la taille des lettres. En effet, certaines lettres demanderaient plus de temps pour être identifier et cette vitesse d’identification pourraient être ralentie suivant les lettres présentes à coté.

Exemple pris dans l’étude de Pilli en 2007 montrant l’effet de l’encombrement et l’effet d’éviction.  En effet, en fixant notre regard sur la croix centrale, il est beaucoup plus facile d’identifier les lettres espacées.

Cet effet d’encombrement serait classique chez le lecteur normal adule dans sa vision périphérique et chez les enfants d’âge pré-scolaire dans leur vision centrale. Avec un entrainement classique et une exposition normale à la lecture, ce phénomène central chez les pré-lecteurs semble disparaître. En revanche, les enfants dyslexiques, ce phénomène semble perdurer. Or, l’identification des lettres est l’une des étapes de la mise en place de la lecture.

L’adulte lecteur normal est sensible à l’espacement des lettres. Nous savons qu’un espacement trop important affecte sa vitesse de lecture. Lorsque nous apprenons à lire, une partie de notre cerveau se spécialise dans la reconnaissance des différentes lettres.

L’étude de Marco Zorzi va donc dans ce sens. Son idée est d’augmenter significativement l’espacement entre les lettres et l’interlignage. L’espacement entre les caractères est plus que doublé (2,5, voire 2,7 pour certaines lettres). L’interlignage a été adapté afin de garder un espace proportionnel. Une police New roman a été utilisée de taille 14. Le texte a été imprimé en noir sur une feuille blanche. Deux textes sont donc présentés : un texte contrôle qui est un texte avec espace et interlignage standard et un texte adapté comme nous venons de le décrire.

Texte A sans espacement – Texte B avec espace des caractères et de l’interlignage

Les résultats sont encourageants puisque le constat est que sur le texte adapté (texte B dans l’image ci-dessous) les enfants dyslexiques commettent généralement moins d’erreurs dans leur lecture autrement gagnent en précision (même si pour certains le taux d’erreurs était encore de 20%). Le taux d’identification lettre par lettre reste difficile chez les dyslexiques français puisque même avec un texte adapté un sur deux ne réussit pas confortablement cette tâche.

Si les enfants dyslexiques gagnent avec ce texte adapté, il semblerait que cela ne soit pas favorable aux enfants non dyslexiques. Cette information semble en adéquation avec les connaissances actuelles concernant la relation entre notre empan visuel et notre vitesse de lecture.

Les résultats montre que le bénéfice est essentiellement lié à l’augmentation important de l’espace des lettres plus qu’à l’augmentation de l’interlignage. La discussion s’ouvre alors que la liaison entre dyslexie et attention visuo-attentionnelle sachant que l’attention spatiale permet justement d’améliorer cette précision d’identification. L’attention visuo-spatiale semble aussi avoir un lien étroit avec la dyslexie.

Il semblerait donc que l’adaptation évoquée dans cette étude touche plus particulièrement les dyslexiques visuo-attentionnels (dit encore dyslexie de surface).

Une application « Dys » sur I-Pad, I-Phone et I-Pod Touch

Elle permet de modifier l’espace des lettres.

A la fin du test, les résultats peuvent être envoyés (ou non) ce qui permettraient aux chercheurs de détenir des milliers de données et de réaliser un test à grand échelle. Un moyen simple de participer à la recherche.

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