Un dépistage précoce de la dyslexie
Chez les futurs enfants dyslexiques, qui n’ont pas encore appris à lire, on décèle une activité réduite dans les régions cérébrales impliquées dans la lecture.
En France, environ un enfant sur dix présente des difficultés pour lire. Sa lecture est lente et laborieuse, entachée de nombreuses erreurs, car il n’arrive pas à identifier les mots écrits : il est dyslexique. Il s’agit d’un trouble développemental, en ce sens qu’il surviendrait lors du développement cérébral de l’enfant, en l’absence de toute déficience auditive, visuelle ou intellectuelle. Nora Raschle, de l’Hôpital pour enfants de Boston, et ses collègues ont confirmé que le trouble existe avant l’apprentissage de la lecture, et qu’on pourrait le dépister si l’on disposait des outils adéquats. Des anomalies dans le réseau cérébral de la lecture sont en effet visibles en imagerie par résonance fonctionnelle chez l’enfant susceptible de devenir dyslexique, avant qu’il n’apprenne à lire.
Un enfant confond parfois à la lecture certaines lettres de formes voisines ou proches phonétiquement (piton devient bidon par exemple), et inverse l’ordre des lettres (on est luno) de certaines syllabes ou de certains mots. Si de plus sa lecture est hachée, hésitante, incompréhensible et reste lente, surtout pour les mots nouveaux et les textes longs, il est probable qu’il souffre de dyslexie. La rééducation, essentiellement orthophonique, apporte de réelles améliorations, en particulier si le trouble est dépisté suffisamment tôt. Aujourd’hui, le dépistage a lieu lors de l’apprentissage de la lecture, mais il pourrait se faire bien avant…
Aujourd’hui, le dépistage a lieu lors de l’apprentissage de la lecture, mais il pourrait se faire bien avant…
La dyslexie se met en place lors du développement cérébral et l’on sait, grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle, que des anomalies sont visibles dans le cerveau de l’enfant qui apprend à lire. Les régions cérébrales impliquées lors de la lecture sont réparties dans tout le cerveau, mais on peut isoler un circuit occipito-temporal gauche et un circuit pariéto-temporal gauche. Le premier participe au traitement des unités graphiques et à leur mise en correspondance avec les unités sonores constituant les mots. Il stocke les représentations orthographiques et s’active quand on voit les mots écrits. Le second est impliqué dans la reconnaissance lexicale et dans le traitement des séquences phonologiques. Ces circuits cérébraux permettent par exemple de décomposer mentalement le mot salon en syllabes sa et lon.
On sait depuis une dizaine d’années que les enfants dyslexiques présentent une hypoactivité (activité inférieure à la normale) de ces régions pariéto-temporale et occipito-temporale gauches, comparés à des enfants non dyslexiques de même âge ou de même niveau de lecture. Or les neurobiologistes américains viennent de montrer que ces anomalies existent même chez les enfants n’ayant pas commencé l’apprentissage de la lecture.
Or les neurobiologistes américains viennent de montrer que ces anomalies existent même chez les enfants n’ayant pas commencé l’apprentissage de la lecture.
Les chercheurs ont mesuré l’activité de ces régions chez 36 enfants âgés de 5 à 6 ans et ne sachant pas lire, pendant qu’ils réalisaient des exercices de phonologie – par exemple trouver les deux mots qui riment parmi les trois proposés. La moitié des enfants avaient un risque élevé de développer une dyslexie (car leurs parents en souffrent et la dyslexie est en partie héritable), l’autre moitié avaient peu de risques. N. Raschle et ses collègues ont observé une hypoactivité des régions pariéto-temporale et occipito-temporale gauches uniquement chez les enfants qui présentaient un risque de dyslexie.
N. Raschle et ses collègues ont observé une hypoactivité des régions pariéto-temporale et occipito-temporale gauches uniquement chez les enfants qui présentaient un risque de dyslexie.
Les hypoactivités cérébrales liées à la dyslexie existent donc avant l’apprentissage de la lecture et ne sont pas dues à un enseignement défaillant ; en outre, les phénomènes de compensation, tels qu’une hyperactivité du cortex frontal que l’on observe chez les enfants pendant la rééducation ou chez les adultes dyslexiques sachant lire correctement, n’existent pas chez ces enfants n’ayant pas encore appris à lire. Ces caractéristiques neuronales pourraient servir de marqueurs de la dyslexie, grâce auxquels l’identification et la prise en charge des enfants à risque seraient réalisées très tôt.
Source : pour la science.fr, publié le 7/02/2012.