Dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH : Invisible… pas si invisible que ça.
Lorsque l’on parle de « dys » (dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH,…), on entend parler de handicap invisible, autrement dit d’un handicap qui ne se voit pas.
Est-ce réellement si invisible que ça ?
Il est vrai que généralement lorsque l’on pense handicap, on imagine une personne en fauteuil roulant, un aveugle ou un malvoyant avec une canne blanche… Bref, dans l’idée générale, un handicap se voit.
On parle de handicap invisible quand il y a une altération des fonctions cognitives, psychiques et/ou sensorielles. Les situations de handicap sont-elles si invisibles ?
Les situations de handicap sont pourtant bien présentes. On entend dire aussi que dans le cadre de handicap invisible, elles sont difficilement perceptibles. Même si je comprends pourquoi on peut tenir ces propos, il me semble que cela est nettement dû à une méconnaissance de ces situations de handicap.
C’est d’ailleurs parce que les situations de handicap semblent pratiquement imperceptibles que l’acceptation du handicap est difficile, notamment pour l’entourage. C’est cette difficulté de reconnaissance qui entraîne des situations de frustrations des sentiments d’impuissance, des impressions de déception, voire même dans certains cas d’abattement.
Difficilement perceptibles ?
Perceptible : qui peut être perçu. Autrement dit, difficilement perceptible voudrait dire qu’il est difficile à percevoir. Et pourtant…
Quand j’entends lire un dyslexique, il me semble que cela est fortement perceptible. Lorsque je regarde l’un de ses écrits aussi.
Je les vois avoir des difficultés en classe, ces difficultés deviennent souvent bien perceptibles. Et en même temps, ces situations de handicap ne s’arrêtent pas non plus aux portes de l’école.
Quand je vois un dyspraxique mettre son blouson, faire ses lacets, mettre ses chaussettes ou encore chercher à écrire un mot, lire aussi dans certains cas… cela me semble clairement perceptible. Pareillement, ces situations de handicap ne s’arrêtent pas non plus aux portes de l’école.
Quand j’entends un dysphasique parler, chercher ses mots, les bons mots, quand il essaye d’exprimer ses idées, quand il retranscrit ses idées à l’écrit… cela me semble bien perceptible aussi. Là également, ces situations de handicap ne s’arrêtent pas non plus aux portes de l’école.
Quand je suis avec un TDAH, quand je vois son regard qui se détourne de moi pour mieux regarder le camion qui passe dans la rue, quand je le vois commencer à tripoter l’objet qui est devant lui, quand je le vois se trémousser sur sa chaise, couper la parole, persévérer dans ses idées, ses paroles… cela me semble aussi perceptible. Là encore, ces situations de handicap ne s’arrêtent pas aux portes de l’école.
Perceptible…
Des situations qui ne s’arrêtent pas qu’aux portes de l’école comme beaucoup semblent le penser. Une vie quotidienne affectée aussi, par exemple
– lire un plan et se diriger dans une ville.
– prendre le métro, le bus… s’orienter
– lire un mode d’emploi, un document d’information…
– gérer un emploi du temps : être à l’heure, être conscient de la durée d’une tâche,…
– remplir une fiche formulaire avec des lettres qui rentrent dans les cases
– lenteur dans certains gestes (que cette lenteur soit liée à des difficultés d’attention ou des problèmes praxiques)
– fatigue, surtout en fin de journée
– perte d’informations, perte d’objets, oublis de rendez-vous
– comprendre un mot pour un autre, une expression
– confusion entre la droite et la gauche
– lenteur à recompter sa monnaie…
Ce ne sont que des exemples… la liste est loin d’être exhaustive.
Des difficultés mal comprises et mal identifiées conduisent à « mal perçues ».
Quand je discute avec des adultes « dys », certains me confient leurs difficultés quotidiennes. Un jeune dyspraxique se plaignait d’un manque de relations sociales et m’expliquait qu’après avoir préparé un repas pour sa petite copine, il était tellement fatigué qu’avant la fin de l’apéro, il n’avait qu’une envie : d’aller se coucher. Une autre me disait que pour se rendre à un rendez-vous en utilisant le métro,elle avait une impression de parcours du combattant : lire le plan, changer de métro, prendre le métro dans le bon sens, se repérer sur place une fois arrivé…
Une jeune TDAH me révélait que pour garder sa place au travail, elle faisait tellement d’efforts et mettait tellement d’énergie pour notamment combattre son impulsivité que lorsqu’elle rentrait le soir, elle explosait littéralement : difficile de conserver ses copains dans de telles conditions et impossible d’avoir une relation amoureuse stable. Un autre me disait que quand il cuisinait, c’était toujours brûlé parce qu’il essayait de faire plusieurs choses en même temps… et que du coup, le repas brûlait mais également qu’il ne finissait pas ce qu’il avait commencé.
Un jeune dysphasique me disait qu’il ne pouvait pas être « cool » quand il était au sein d’un groupe d’amis. En effet, m’explique-t-il, quand les autres parlent, ils parlent tous en même temps, ils se coupent la parole, ils ne finissent pas leurs phrases… et « moi, je n’arrive pas à les suivre ». Une autre me disait qu’elle faisait semblant de rigoler quand il entendait les autres rirent d’une bonne blague en se demandant où était l’aspect comique. Fatigue, fatigue cognitive, lenteur, incompréhension, maladresse, … des handicaps imperceptibles, invisibles néanmoins tellement présents !
Alors si difficilement perceptibles ?