Dys et dyscrimination : une baisse des performances

Dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH… dyscrimination et apprentissage

En me baladant sur Facebook, je découvre une vidéo dont le titre m’interpelle

« leçon de discrimination« .

Curieuse, je prends le temps de la visionner. Une enseignante propose à sa classe de faire une expérience en le faisant vivre la discrimination de l’intérieur.

 

Comment s’y prend-elle ?

Elle affirme que des études scientifiques démontrent de façon indubitable que les « petits » étaient plus intelligents, plus créatifs, plus rapides et donc que les grands étaient moins intelligents, moins rapides, rendaient des travaux moins propres… Elle divise donc sa classe en deux : les petits et les grands. Pour les différencier clairement, elle demande aux grands de porter un dossard rouge et ne pas le quitter tant qu’ils sont dans l’enceinte scolaire (classe, temps de récréation, temps de cantine…). Elle donne des privilèges aux petits. Si certains grands comme petits réagissent, ils se laissent prendre dans ce nouveau mouvement.

La classe démarre « normalement ». L’enseignant appuie régulièrement sur le fait que les grands sont plus en difficulté et que les petits réussissent mieux et que c’est normal puisque c’est ce que disent les études scientifiques.

En tant que spectatrice, je n’ai pu m’empêcher des ressentir de fortes émotions, souvent collées à celles des enfants discriminés : colère, tristesse, impression/sensation de nullité… Bouleversant !

 

Des passages clés.

Quelques passages ont attiré plus particulièrement mon attention :

lorsque Mickaël, un grand, passe au tableau. L’un de ses camarades de classe, un petit, lui fait remarquer qu’il écrit mal mais que c’est normal parce qu’il est grand comme la maîtresse. Son attitude change et marque sa détresse, sa posture parle pour lui avec notamment ses épaules complètement rentrées, ses yeux se remplissent de tristesse, il se mord la lèvre… J’ai comme l’impression qu’il cherche même à se rapetisser : pour devenir intelligent ? Il doute de lui, son regard est en recherche constante puis il finit par baisser les yeux comme s’il se soumettait malgré lui à ce nouvel état : il est « bête ».  Mickaël réagit très peu à cette réflexion, il y a une forme d’acceptation. L’enseignante nous explique que normalement ce jeune garçon est brillant, qu’il « performe » comme disent les canadiens. Mais ici dans ce contexte discriminant, Mickaël ne « performe » plus. Il doute de lui. Il dira d’ailleurs clairement à la fin du reportage que ce passage au tableau a été le pire moment pour lui.

– Lorsque deux grands, David et une petite fille, commencent à relever le fait que les petits ne sont pas forcément plus créatifs, ni plus rapides. « Ça veut pas dire que vu qu’on est grands, on n’est pas intelligents« . Leur maîtresse répond « c’est écrit, c’est prouvé. C’est écrit dans les livres, ce sont des recherches scientifiques qui me l’ont prouvés » et cela suffit pour que cette petit fille acquiesce le fait de la tête. Un esprit critique étouffé dans l’œuf, on ne peut lutter contre des faits « avérés ».

Choisir un compagnon de travail. La maîtresse explique que les petits ne peuvent choisir qu’un autre petit comme compagnon de travail, pas un grand. Un petit renforce « sinon il va saboter notre travail« .

– « Mes amis sont des grands« . Cette petite est donc bien chanceuse d’être une petite, la maîtresse et certains autres petits lui confirment qu’elle est la seule à être intelligente parmi ses amis. Le visage complètement bouleversé de cette petite m’a énormément touchée. La tristesse, d’abord,  dans son regard jusqu’à s’en s’en prend la tête, pour finalement commencer à pleurer. Elle demandera plus tard à refuser ses « privilèges » se trouvant bien sans. Si d’autres grands pleurent en « acceptant » leur nouvel état (et l’on peut aisément comprendre pourquoi), cette petite ne se satisfait pas de son nouvel état de « petit » malgré la remise d’éléments qui peuvent paraître très positifs pour des enfants. Le sentiment de discrimination ne dépend donc pas nécessairement du groupe auquel on appartient et des privilèges que l’on peut recevoir en compensation.

L’absence de rébellion : quelques enfants ont l’idée d’aller se plaindre auprès de la directrice, aucun n’ira jusqu’au bout. L’impact de l’adulte, sa position « dominante », son autorité et leur position de faiblesse sont sûrement l’une des causes de leur inaction. On peut donc négliger l’influence de l’adulte et sa position hiérarchique au sein d’un groupe.

Émotions, émotions… et arrivée des informations bouleversées

 

Ce reportage montre de façon très claire la baisse des performances des grands. On leur a fait croire qu’ils étaient moins intelligents, moins performants, moins… tout. Et ils le croient !! Ils se retrouvent submergés par leurs émotions : la colère et la tristesse notamment. En même temps, ils acceptent rapidement leur situation. L’absence de mouvement de rébellion des uns comme des autres marque leur résignation. En effet, excepté quelques réflexions, aucune révolte, aucune désobéissance, aucune protestation… seuls quelques mouvements d’agitation corporelle sans grande conséquence (mouvement du pied de l’un, larme de l’autre…). Et pourtant, ils sont également les marqueurs de ce qui se passent à l’intérieur d’eux-mêmes : on sent bien qu’ils bouillonnent ces enfants. Leurs émotions, trop fortes, trop importantes pour être gérées les envahissent complètement.

Conséquences :

– ils ne sont plus en état de réfléchir : perte de l’esprit critique

– ils sont moins performants : ils se sentent décourager. S’il est avéré qu’ils sont moins intelligents, comment réussir ?

Voilà comment en quelques minutes, on peut complètement abîmer la confiance et l’estime d’un enfant, voire même la saccager.

Le cerveau émotionnel (système limbique) est connecté avec le reste de notre cerveau. Il ne constitue pas une zone bien à part mais communique bien avec l’ensemble des zones de notre cerveau. Notre cerveau est, certes constitué de zones, mais ces zones ou régions sont connectées entre elles. C’est pour cette raison qu’il y a un lien très étroit entre émotions et apprentissage. Les émotions jouent un rôle clé : mémorisation, attention, et prise de décision (1).

Engendrées des émotions négatives, surtout si elles sont trop fortes ou trop fréquentes, bloquent donc les situations d’apprentissage. Nous devons moins performants.

Le rôle des adultes

Position de « force » car hiérarchiquement « au-dessus » des enfants, le rôle de l’adulte est primordial. L’impact de ses mots, de ses remarques et ses justifications sont des éléments qui favorisent ou non ces émotions. Ce reportage nous montre l’influence de l’adulte sur les comportements, réflexions et attitudes discriminatoires. Encore une fois, nous avons donc un rôle majeur à jouer, notamment les enseignants du fait de leur position au sein d’une classe. Il convient donc à chacun d’entre nous de lutter contre cette discrimination.

Discrimination : dyscrimination

Elle est d’autant plus aisée que les troubles « dys » entraînent des handicaps invisibles. La discrimination repose bien souvent sur un état que l’on ne peut changer : sexe, couleur de peau, taille, … et handicap. A notre époque, les enfants « dys » subissent encore trop souvent des discriminations. Ces discriminations vont du « quand il veut, il peut« , passant par le refus d’aménagements scolaires (d’autant plus difficile à mettre en place si l’enfant est en situation de réussite scolaire : « mais vous comprenez, il/elle s’en sort bien« . Le coût cognitif est nié, la situation de handicap est même quelquefois remise en cause au sein des écoles), jusqu’à  s’entendre dire que la compensation mise en place est un élément qui le/la favorise (exemple : l’utilisation du correcteur orthographique pour un dyslexique lors des évaluations le favoriserait par rapport aux autres élèves de sa classe, l’utilisation des logiciels de géométrie, …).

Les enfants « dys » finissent par penser, croire qu’ils ne sont pas capables. Comme le petit Mickaël, ils accusent une chute de leur performance qui aggrave leur situation. (2)

Ce reportage ne vous laissera pas, je l’espère, indifférent. Il se compose de trois vidéos. Afin de faire comprendre à l’ensemble de sa classe ce qu’est la discrimination, cette maîtresse inverse les rôles.

Fort instructif, je vous laisse soin d’apprendre avec tous ces enfants ce qu’est la discrimination lorsqu’elle est vécue de l’intérieur. Je reprendrais les mots de Pierre-Luc pour conclure :

« ça me brise le cœur« 

 …des enfants au cœur de cristal.(3)

 
(1) : études et publications de David Sander sur les émotions et la cognition.
études et publications de Zeidner sur l’intelligence émotionnelle.
(2) Article publié sur Dysmoi : comment être dans de bonnes conditions d’apprentissage
(3) citation : Jean-François Laurent : Be APIE Junior.

1ère publication 16/12/2013 – MAJ  4/10/2019

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