Mémorisation, sommeil et oublis
Le 10 Avril 13, Cerveau&Psycho publiait un article « Un appareil pour augmenter la mémoire »[1]. Un article qui a aiguisé ma curiosité et qui m’a amené à me questionner.
Une expérience a été réalisée durant laquelle des électrodes ont été placées sur le crâne de volontaires (EEG). Il leur a été demandé d’apprendre une liste de mots, puis d’aller se coucher. Le dispositif avec les électrodes a pour objectif d’analyser leur activité cérébrale pendant leur sommeil. Dès que le dispositif repérait un certain type d’ondes cérébrales (ondes lentes), un petit « bip » leur était envoyé, l’onde étant alors à son maximum.
Résultat : les participants étaient mieux en mesure de se rappeler les mots qu’ils avaient appris la veille.
Or, nous savons depuis un certain temps que les ondes lentes pendant le sommeil sont essentiels pour conserver nos souvenirs. Les chercheurs ont donc constaté qu’il était possible de stimuler la mémoire en respectant le rythme des ondes cérébrales (ondes lentes) de personnes endormies.
« Importantly, the sound stimulation is effective only when the sounds occur in synchrony with the ongoing slow oscillation rhythm during deep sleep. We presented the acoustic stimuli whenever a slow oscillation « up state » was upcoming, and in this way we were able to strengthen the slow oscillation, showing higher amplitude and occurring for longer periods, » Dr. Born, University of Tübingen, in Germany.
Les conclusions sont doubles, outre cette augmentation de l’efficacité de la mémorisation, il serait possible également par le même dispositif d’améliorer le sommeil. En effet, en envoyant un son très rapide juste au moment où le niveau de l’onde était la plus haute, cela a renforcé cette oscillation puisqu’elle avait une plus grande amplitude et une fréquence plus importante. Ce même dispositif pourrait donc être utiliser pour améliorer d’autres rythmes du cerveau notamment dans ceux impliquant l’éveil et donc l’attention [2].
L’information me semble en lien avec la courbe de l’oubli de Tony Buzan [3]. En effet, cette courbe nous explique qu’après deux jours, sans évocation, nous avons perdu 50% des informations que nous avions en mémoire. La quantité d’informations que nous avons stocké va donc décroître au fil du temps. Au bout d’une journée, sans évocation de cette information, nous aurons déjà perdu un certain nombre d’informations : on oublie vite !
Pourquoi une telle perte ?
Normalement, sur une période de 24h, vous avez un temps de sommeil. Et que fait votre cerveau pendant que vous dormez ? Il travaille ! Et dans son travail, il va devoir aussi réaliser un tri, il va trier les informations que nous stockons. On pourrait même se dire qu’il fait de place dans notre disque dur interne.
Comment procède-t-il à ce tri ?
Il trie en « important » / « pas important ». Si vous avez été soumis au moins deux fois à cette information dans la journée, il estime que l’information est importante et il la garde. Pourquoi ne garde-t-il pas ce vocabulaire tellement important en anglais pour votre prochaine interro ? Si vous n’avez pas « réviser » (préférons le terme « ré-évoquer »), il va estimer que cette information n’est pas importante et il ne va donc pas la garder. Mais vous n’allez pas « réviser » votre anglais le soir même alors que vous n’avez pas cours avant deux jours ! Dans deux jours, vous n’aurez plus que 50% des informations (au mieux) : quel boulot il va vous falloir mettre en oeuvre pour combler ce déficit et être prêt pour cette fameuse interro.
Quel rapport avec l’expérience réalisée en Allemagne ?
Si nous avons la preuve que pendant notre sommeil, dans certaines phases, nous pouvons améliorer notre mémorisation, cela voudrait donc dire qu’il y a bien « quelque chose » qui se passe à ce moment-là.
Si nous savons que nous mémorisons pendant une phase d’ondes courtes lorsque nous dormons, que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de stimulations sonores ? Oublions-nous ? Est-ce à ce moment là que ce tri est réalisé ? Est-ce que cette stimulation « forcerait » notre cerveau à modifier ses paramètres de tri ou est-ce que cette stimulation provoquerait une nouvelle évocation qui entraînerait un tri dans « important » ?
La baisse de fréquence des ondes lentes chez les sujets âgés seraient-elles une partie des explications de leur perte de mémoire ?
La méditation, par exemple, qui lorsqu’elle est pratiquée de manière experte peut entraîner des ondes lentes aurait-elle un effet sur notre mémoire ?
Ce que je constate sur le terrain est qu’apprendre comment mémoriser permet de gagner du temps. En effet, si j’ai 75% des informations dans ma tête, je n’ai plus que 25% du travail à faire. En revanche, s’il ne me reste que 25% des informations, il va falloir sérieusement que je me remonte les manches et que je travaille longtemps pour aller chercher les 75% qui me manquent.
Lorsque j’anime les stages de Méthodologie[4] avec les adolescents, je parie que je peux leur permettre de gagner du temps : grâce à cette étude, je me dis que le pari est presque gagné d’avance. 😉
[1] Un appareil pour augmenter la mémoire – Cerveau et Psycho
[2] Auditory Closed-Loop Stimulation of the Sleep Slow Oscillation Enhances Memory – Neuron
[3] : Une tête bien faite. Exploitez vos ressources intellectuelles – Tony Buzan
[4] : stages et ateliers de méthodologie : ici