La dyspraxie et le « geste de la main »
Nous venons de voir, dans l’article « La dyspraxie, qu’est-ce que c’est ?« , globalement ce qu’est la dyspraxie. Allons un peu plus loin. Selon Michèle Mazeau, la dyspraxie est « une pathologie de la conception, de la programmation ou de la réalisation des gestes culturels et appris lorsque le sujet est normalement exposé aux gestes et a été soumis à un apprentissage. ». L’habilité motrice et la réalisation de certaines tâches s’en trouvent compromises en raison de la gestion du geste au niveau cérébral.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Prenons exemple.
Vous allez pour la première fois manger dans un restaurant asiatique. On vous propose de manger avec des baguettes. Votre geste ne sera pas habile car vous n’avez pas appris à manger avec des baguettes chinoises. En effet, manger avec des baguettes chinoises ne fait pas partie de votre culture francophone. Vous avez appris à manger avec une fourchette et un couteau. Pour autant, vous n’êtes pas dyspraxique. En revanche, si depuis tout petit, on vous a appris à manger avec des baguettes, vous n’êtes pas du tout dans la même situation.
Nous parlons de gestes qui doivent :
- Être soumis à un apprentissage.
- Appartenir à ma culture.
Une communication cérébrale mal aiguillée
Les dyspraxiques ont des difficultés avec les gestes, des difficultés de la programmation et de la planification des gestes dans le temps et dans l’espace. C’est un peu comme si à chaque fois, ils faisaient un geste pour la première fois. Le dyspraxique n’arrive pas à automatiser les gestes, des gestes banals pour les autres enfants. Leur cerveau n’intègre pas la séquence motrice qui introduit l’automatisation du geste.
Une praxie suit un processus cérébral précis.
Une phrase de conceptualisation permet d’avoir une idée générale du geste à réaliser grâce à une prise d’indices réceptionnés par nos différents sens. Après avoir eu cette image mentale du geste à réaliser, la tâche est alors planifiée. Cette planification permet d’organiser les différentes séquences du geste. La programmation précisera les paramètres à prendre en compte et réajustera le plan d’action en fonction de ces paramètres. Enfin, le geste est exécuté.
La difficulté pour les dyspraxiques est donc de composer un programme qui leur permettra de réaliser un geste intentionnel tout en prenant en compte les informations de leur propre corps et de leur environnement.
Les gestes complexes leur sont donc très peu accessibles (exemple de geste complexe : écriture).
Exemples des difficultés souvent rencontrées : ranger, utiliser des outils (coloriage, ciseaux, compas, règle…), habillage (lacet, fermeture éclair, vêtement à l’envers…) …
Pour mieux comprendre, l’impact de cette difficulté de programmation et de conceptualisation du geste, vous pouvez regarder cette vidéo :
L’écriture manuelle est un geste complexe. Les enfants mettent normalement plusieurs années pour l’automatiser, c’est donc le geste qui restera le plus difficile chez les dyspraxiques et entraîne forcément une dysgraphie.
Qu’est-ce que la dysgraphie ? Pour répondre à cette question, je vous propose plusieurs articles pour vous aider à mieux comprendre l’impact d’une dysgraphie et les solutions à envisager : lire « La dysgraphie«
La lenteur
La lenteur est commune à tous les dys mais encore plus flagrante chez les dyspraxiques puisque toute la journée ils vont faire des gestes intentionnels. Sachant que leurs gestes à eux ne sont que pas ou très peu automatisés, tout est difficile.
Lorsque l’on n’automatise pas quelque chose, on est forcément lent.
Outre cette lenteur, il y a aussi la fatigue qui s’accroît parce qu’il est difficile et coûteux de constamment faire les choses comme si c’était la première fois.
Un enfant dyspraxique est un enfant qui a un trouble instrumental (un problème d’outil) dans la planification des gestes, de l’espace et de l’oculomotricité. Il n’a pas de gestes efficaces car il ne mémorise pas de gestes de manière automatique.
Pourquoi sont-ils si lents ?
L’enfant dyspraxique ne sait pas fonctionner en multi-tâche.
Prenons l’exemple de l’écriture en classe.
L’exemple n’est pas choisi au hasard car la dysgraphie est toujours présente chez un dyspraxique et qu’en classe l’écriture est omniprésente dans les apprentissages. Un enfant non dyspraxique va pouvoir en même temps qu’il écrit un problème de mathématiques, par exemple commencer à pouvoir réfléchir, pour commencer à le résoudre. L’enfant dyspraxique passe toute son énergie, toute son attention dans l’écriture de ce problème (comme tous les dysgraphiques d’ailleurs). Il ne peut pas réaliser une autre tâche pendant qu’il écrit car toute son attention est déjà mobilisée par ce geste d’écriture. Il ne peut donc écrire et écouter, écrire et raisonner, écrire et analyser….
Il perd donc tout son potentiel, son énergie et son attention dans ce geste d’écriture trop coûteux pour lui et ce, au détriment de tâches qui lui sont parfaitement accessibles comme raisonner ou analyser par exemple.
L’objectif d’un point de vue scolaire pour que ces enfants intelligents puissent exprimer leur potentiel est de réfléchir, parents/enseignants à : Comment diminuer voire stopper ces tâches qui leur sont difficiles pour qu’ils puissent exprimer leur potentiel intellectuel dans les choses qu’ils sont capables de faire ? Il convient alors de chercher aussi ce qui est rentable et ce qui ne l’est pas.
Les enfants dyspraxiques n’ont pas les bons outils, il faut donc leur permettre de contourner ces outils pour qu’ils puissent montrer de quoi ils sont capables.
Concernant l’écriture qui reste le problème majeur dans le milieu scolaire :
L’écriture n’est pas qualitative (c’est-à-dire que le résultat n’est pas terrible). Ils n’écrivent pas à la vitesse des enfants de leur classe d’âge, ils lèvent nettement plus leur crayon… on s’aperçoit qu’ils dessinent les lettres plus qu’ils n’écrivent.
Le second problème est la ressource attentionnelle. Quand un enfant écrit, par exemple lors d’une dictée, il va falloir qu’il écoute son enseignant et qu’il écrive en même temps, il va alors partager ses ressources attentionnelles. Cela donne :
– un petit peu sur l’écriture : pendant ce temps-là, il rate des mots dits par la maîtresse
– un petit peu sur ce que dit la maîtresse et pendant ce temps-là ce qu’il écrit devient illisible ou son écrit est incomplet.
Il est clair alors que demander d’écrire à un enfant dyspraxique en lui demandant de faire autre chose ne devrait pas se faire. On comprend alors mieux pourquoi le passage à l’ordinateur est préconisé. Il faut aussi réaliser que si cet ordinateur marque le handicap de l’enfant en primaire et au collège, c’est quand même un outil très utilisé dans la vie professionnelle… il aura donc une bonne longueur d’avance !
La surcharge cognitive ou quand l’automatisme ne se met pas en place : que se passe-t-il ?
Caroline Huron lors d’une conférence donne un exemple que tout le monde comprend :
Tapez sur avec votre main droite sur votre cuisse droite d’un rythme régulier. Jusque-là tout va bien… puis avec votre main gauche, vous tapez sur votre cuisse gauche un autre rythme… c’est tout de suite moins facile !! Voire irréalisable dans la durée.
C’est donc un enfant qui sur le plan scolaire va se retrouver en difficulté.
Il y a quelques années, j’avais écrire ceci :
Si la dyspraxie est légère : l’enfant va pouvoir compenser avec des rééducations.
Si la dyspraxie est moyenne, l’enfant ne pourra pas compenser, il va falloir l’aider en adaptant les choses. Exemple : adapter les colonnes pour qu’il puisse poser son addition correctement…
Si la dyspraxie est importante : les adaptations ne suffisent pas. Il faut contourner le problème. Exemple : calculatrice (s’il n’arrive pas à poser les opérations), ordinateur (écriture)…
C’est ce qui est dit couramment.
Aujourd’hui, l’expérience me montre que la hauteur de la dyspraxie est plus évaluable en fonction de son impact tant les différents domaines de vie : scolaire et quotidien. Il existe bien des dyspraxiques qui sont, certes, plus affectés que d’autres parce que leur dyspraxie entraine une multitude de troubles associés (dyslexie, TDA/H, dyscalculie, troubles neurovisuels, troubles spatio-temporels, …). La sévérité de la dyspraxie devrait donc nettement plus se mesurer en fonction des moyens de compensation possibles et envisageables.
Au niveau scolaire, la mise en place des aménagements pédagogiques et des différents autres moyens (humain, matériel…) reste indispensable et primordiale. En effet, avec une dyspraxie estimée « légère », un élève peut se retrouver en difficultés scolaires si aucun aménagement n’est mis en place. Il est donc capital que les aménagements soient bien pensés en fonction des besoins de l’enfant afin de l’aider à compenser ses situations de handicap.
Leur capacité d’effort
Avec un enfant touché par une dyspraxie, il faut absolument prendre conscience qu’il fait des efforts depuis tout petit et dans tous ces gestes : des efforts plus au moins visibles, mais des efforts constants.
Il est alors essentiel de bien déterminer les stratégies en matière de rééducation. Au préalable, il est important d’avoir bien observé l’enfant dans ses apprentissages pour cibler les plus pertinentes. Si les rééducations ne suffisent pas, on pourra mettre en place des stratégies de compensation.
Il convient alors de savoir moduler sa capacité d’effort sans tomber dans un schéma compatissant qui ne lui permettra pas d’avancer. Ce dosage est d’autant plus compliqué quand cela touche « nos » enfants (ils ne sont que trop réceptifs à toute émotion compatissante et en profitent alors un max !!) et de l’autre côté, les parents doivent aussi les motiver car leur motivation agit aussi sur l’objectif final. Quelle drôle de mélange pas si facile tous les jours !
Certains penseront alors mais s’il est motivé, il fera forcément moins d’effort… à ceux-là je répondrai que le niveau de fatigabilité est quand même lié à un trouble neurologique et que de ce fait tout n’est pas qu’une question de volonté. Il est malheureux de constater que ces enfants sont souvent considérés comme fainéants, ne faisant pas d’efforts…
Le geste » de la main n’est pas le seul qui geste impliqué, notamment en cas de dyspraxie visuo-spatiale. Pour comprendre, ce geste des yeux, vous pouvez lire cet article : La dyspraxie visuo-spatiale (DVS)
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