Dysphasie/dyspraxie et les mathématiques

Dysphasie ou dyspraxie et les mathématiques

Compte-rendu de conférence organisée par Avenir Dysphasie Loire du 29/09/05

Intervenant : F. BAK, psychologue cognitiviste, spécialiste des difficultés scolaires.

On vit dans un monde chiffré : poids, argent, distance…

La première étape est le dénombrement.

Il se décompose en étapes qui doivent être acquises successivement :

  • Le comptage
  • L’acquisition de la chaîne verbale
  • L’acquisition de la chaîne numérique
  •  Les opérations
  • L’acquisition des faits arithmétiques
  • –          L’acquisition des algorithmes de l’ordre

1°) Le comptage : vers 3-4 ans

  • Correspondance terme à terme (2 ça fait deux éléments)
  • Stabilité de l’ordre (on compte toujours dans l’ordre 1 2 3 4 5 6 et pas 3 2 6 5 7)
  • La notion de cardinalité : 5 est composé de 3 et 2
  • L’abstraction
  • La non-pertinence de l’ordre (même si on déplace 3 éléments, il y en a toujours 3)

2°) L'acquisition de la chaîne verbale

Il y a 5 niveaux successifs qui doivent être passés dans l’ordre.

–          un chapelet de nombres indissociables (c’est ce qu’on appelle la comptine numérique)

–          une chaîne insécable avec compréhension

–          une chaîne sécable (on peut compter à partir de 10, de 5, …)

–          une chaîne numérale : l’ordre numérique est invariable. Avant 3, on a 2.

–          Une chaîne bidirectionnelle : on compte de 0 à 10 et de 10 à 0.

Cette étape permet l’identification d’une quantité et prépare au stade opératoire.

3°) Les opérations 2+4= ?

 Ce sont les premiers algorithmes de calcul : comptage (dénombrement physique de 2 + 4) en lien avec la chaîne verbale numérique (stade 2)

Puis vient le dénombrement à partir de 2 et complément.

A partir de 6 ans : la réversibilité mentale : l’addition est commutative 2 + 4 = 4 + 2

Apparition de la soustraction avec stratégie du comptage à rebours 6 – 2, on part de 2 pour arriver à 6.

4°) L’acquisition des faits mathématiques

On a en mémoire à long terme les faits arithmétiques du style :

3+ 2 = 5

2 + 2 = 4

4 x 3 = 12

La table de multiplication ne s’apprend pas par cœur. Il faut comprendre que c’est une simplification de l’addition. Il faut commencer à apprendre les tables dans l’ordre en faisant une démonstration avec des objets.

Ex : la table de 2

On fait 1 groupe de 2 – on verbalise – = 2 et on écrit 2 x 1

On fait 2 groupes de 2 – on verbalise : on a fait quoi ? On a rajouté un groupe au groupe précédent = 4 – On écrit 2 + 2 = 4 et 2 X 2 = 4

On fait 3 groupes de 2 = on verbalise : on a fait quoi ? On a rajouté une groupe au groupe précédent = 6 – on écrit 4 + 2 = 6 et 3 x 2 = 6….

On fait ça pour toutes les tables.

Un enfant peut apprendre ainsi les tables de multiplication en quasiment 3 semaines.

C’est important car ça permet d’aller plus vite.

Attention à notre logique d’adulte qui est de dire que si l’enfant connaît ses tables jusqu’à 5, il les connaît toutes par déduction.

La réversibilité de la multiplication n’est pas la même que pour l’addition. En effet 4+2 = 2+4 mais 2×4 n’est pas égal à 4×2 parce que ce n’est pas la même chose – dans un cas on a 4 groupes de 2, dans l’autre 2 groupes de 4 –

Pour calculer, il faut activer le dénombrement ou les faits arithmétiques selon la situation dans laquelle on se trouve.

5°) Les algorithmes

  • Mise en place de la procédure séquentielle organisée :

–          Débuter le calcul par la droite (contrairement à l’écrit)

–          Noter la retenue, passage de la dizaine

–          Avancer vers la gauche

  • Généralisation des algorithmes de calcul (de 2, à 3, 4, 5… chiffres)

L’enfant doit donc normalement appliquer les mêmes choses qu’il y ait 2, 3 ou 4 chiffres. Pour nos enfants, il faut souvent tout recommencer pour passer de 2 à 3 chiffres, de 3 à 4 chiffres… L’automatisme se fait mal.

Que voit-on le plus souvent ?

Il y a confusion des techniques. Les enseignants se demandent ce que fait l’enfant mais en fait, il est très cohérent dans sa démarche (démarche fausse mais cohérente).

LES BASES DU DÉVELOPPEMENT COGNITIF : ASPECT FONCTIONNEL

* Assimilation : J’assimile – Je reconnais le problème comme connu

* Accommodation : je dois reconnaître le problème pour le rapprocher (de ce que j’ai assimilé).

 

C’est la voie d’accommodation qui pose problème.

On ne pose jamais à l’école exactement le même problème quand on dit exactement c’est le même énoncé, les mêmes chiffres (tout pareil)

Autrement dit l’enfant n’identifie pas les procédures et se fixe sur les états.

Il y a 4 périodes :

–          Période sensori-motrice : 0-2 ans

–          Période symbolique : 2 à 5/6 ans

–          Période des opérations concrètes (6/7 ans – 11/12 ans)

–          Période formelle (à partir de 12 ans).

 

On passe sur la première période car aucune étude sérieuse n’existe au niveau cognitif.

La période symbolique – 2 à 5/6 ans

C’est la période de la formation de l’image mentale avec :

–  un langage égocentrique : il croit que l’on pense comme lui. C’est d’ailleurs durant cette période que l’enfant pose ses fameux « pourquoi ? »

Pour se rendre compte ce qu’est un langage égocentrique, le comparatif adulte/enfant est assez parlant :

* adulte :       

  • parle par concept et en généralité
  • a un système de signes conventionnels

* enfant :        

  • il est enfermé dans la particularité
  • Il n’a pas de désir d’influencer autrui en lui apportant une info.
  • Il a un langage non informatif . Par exemple :  quand on rentre dans une classe de petit, ils parlent tous mais pour eux, sans écouter la réponse de l’autre, sans apporter d’information à la conversation.

–          Une réalité subjective (à contrario du concret)

–          Une particularité de raisonnement des jeunes enfants : la transduction (fait de raisonner au singulier, et non pas du général au singulier, comme dans la déduction, ou du particulier au général comme dans l’induction). L’enfant vit donc avec des images mentales.

Le système mathématique demande la compréhension de la transduction et de l’induction par accommodation.

La période des opérations concrètes :

Concrètes parce qu’on ne pense pas encore aux choses abstraites.

On est dans le concret : les billes, les bonbons…dans les problèmes de math.

  • Réversibilité mentale
  • Le lien causal conscient
  • Pensée limitée au concret = n’est pas prêt pour l’abstrait (plus tard vers 11/12 ans)
  • Structuration logicomathématique (classer, ranger, relation et nombre…) plus importante

D’ailleurs, il faut avoir conscience que les problèmes de logico-mathématiques n’entraînent pas que des problèmes mathématiques. Au même titre que l’enfant ne sait pas classer ou ranger des nombres, il ne saura pas non plus classer ses émotions (entraînant des réactions vives, à 200%). L’enfant ne les structure pas.

  • Structuration infra logique (substance (6 ans) – poids (8 ans) – volume (10 ans))

Pour savoir si un enfant de 6 ans est bien entré dans le stade des opérations concrètes, on met sur une table 3 objets fait avec la même quantité de pâte à modeler. Un objet par sa forme semble plus gros. L’enfant doit avoir conscience qu’il y a la même quantité de pâte dans les 3 objets et savoir l’expliquer (parce qu’on n’a rien rajouté et qu’on n’a rien enlevé). Tant que cette étape n’est pas atteinte, il reste dans le plan du figuratif.

Pour savoir si un enfant de 6 ans est bien entré dans le stade des opérations concrètes, on met sur une table 3 objets fait avec la même quantité de pâte à modeler. Un objet par sa forme semble plus gros. L’enfant doit avoir conscience qu’il y a la même quantité de pâte dans les 3 objets et savoir l’expliquer (parce qu’on n’a rien rajouté et qu’on n’a rien enlevé). Tant que cette étape n’est pas atteinte, il reste dans le plan du figuratif.

Il intègre :

–          la fonction implicatrice : dirigée vers le sujet (liaisons entre action et attention)

–          la fonction exploratrice : tournée vers le monde pour expliquer

Ces deux fonctions sont en coordination constante et permettent la logique et l’explication causale.

La période formelle (à partir de 11-12 ans)

  • Raisonnement hypothético-déductif : le concret n’est plus qu’une simple vérification. On entre dans un monde « virtuel » où -1 est possible (alors qu’il ne l’est pas concrètement).
  • Le réel devient la conséquence du possible (ex en math : les inconnues)

LES TROUBLES COGNITIFS DU DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE

La non-construction du réel

La figurativité : n’est pas naturel dans la pensée entre 3 et 5 ans.

Le réel passe par une succession de tableau sans lien entre eux. La connaissance passe par le sens pour eux, autrement dit, ils ne font pas de lien entre les différents tableaux.

–     Le raisonnement se construit à partir de la perception immédiate

–          Pas de causalité, et une non organisation de l’espace-temps ce qui entraîne un système de pensée rigide dans lequel il s’enferme

–          Aucune démarche déductive : difficultés de mettre un lien par l’ensemble (fonctionnement au singulier comme vu avant), à coordonner différents points de vue et à les moduler par rapports aux autres.

–          Enfants qualifiés de « rêveurs »

–          A l’école, ils donnent l’impression de ne pas travailler ou l’illusion d’avoir un problème de mémoire.

Ex : pour les devoirs en classe, on ne répète pas la même question (exactement la même) => problème d’accommodation

Ex : (pour des problèmes spatiaux) : un dessin sur lequel on demande  de dessiner un homme, une femme, une route, une montagne, une voiture… les éléments n’ont pas de lien entre eux (la voiture n’est pas sur la route).

La sédimentation de la pensée (6/8 ans)

  • Mode d’organisation de la pensée permettant de se détacher de la perception immédiate de la réalité (la boule de pâte a forcément plus de pâte que celle dont la forme semble visuellement plus petite alors que la quantité reste la même)
  • Fermeture de la pensée et non un blocage, car ils ont une défaillance de la mobilité
  • Utilisation de réponses « types, stéréotypées, sans analyse précise de la situation juste. Ils sont juste une analyse globale
  • Enfant qui peut être sur sollicité et qui a une grande rigidité psychoaffective (ils n’ont pas de mobilité de la pensée) – Possibilité de troubles obsessionnels.

Les oscillations cognitives (6/8 ans)

–          La figuration est encore trop présente dans la pensée

–          Pensée très perméable : il y a une oscillation permanente entre les points de vue

–          Confusion entre ce qu’il voit et ce qu’il peut abstraire de la situation

–          Indifférenciation entre son propre point de vue et celui du dernier qui remplace le premier.

Ex : de la pâte ( voir période des opérations concrètes)

Pour l’enfant qui dit tout de suite qu’il y a la même quantité de pâte.

Mais si on lui dit qu’un de ses copains pense lui qu’il y en a plus dans la forme « grosse », il prend immédiatement son point de vue. Si on lui dit que l’on a demandé à deux de ses copains et que l’un dit que c’est pareil et que l’autre dit que c’est la forme la plus grosse qui a le plus de pâte, il se retrouve perdu. On peut les repérer car il prend le point de vue du dernier qui a parlé mais n’est pas capable d’affirmer son propre point de vue car sa pensée est trop perméable.

La figurativité formelle (à partir de 2 ans)

  • Le stade opérationnelle concret n’est pas achevé : la pensée abstraite non accessible
  • Irréversibilité de leur pensée et de leur représentation : ils sont besoin de décomposer nécessaire (induit une très grande souffrance sociale)

LE SYSTÈME DE COMPENSATION

Les programmes de l’éducation nationale suivent assez bien les étapes cognitives. On ne fait de problèmes sur les poids avant 8 ans, en ce2, par exemple.

Le terme de blocage au sens qu’il est couramment employé, pensé n’existe pas en mathématiques, sauf pour des enfants ayant des lésions neurologiques reconnues.

En fait, on utilise des stratégies pour compenser ses faiblesses… on prend une voie qui nous semble être la bonne et on s’y cantonne puisque ça a l’air de marcher, or on arrive forcément dans une impasse car nous l’avons vu précédemment. L’approche des mathématiques demande de passer par des étapes qui doivent être successivement réalisées avant de franchir la suivante.

Si l’une des étapes n’est pas réalisée correctement, c’est à ce moment-là que l’on choisit une voie qui est compensatrice. L’important n’est pas d’avoir une voie compensatrice (ce qui est normal), l’important pour éviter les troubles est de ne pas s’y cloisonner et donc de ne pas utiliser les autres voies à notre disposition.

Donc quand l’équipement neurologique est bon (pas de lésion), le développement cognitif existe. S’il rencontre un problème, il y a mise en place des systèmes de compensation.

La mémoire

Mémoire qui se fonde sur l’enregistrement d’état, non sur la prise en compte de lien unissant les éléments entre eux.

Cette mémoire ne fait que mémoriser les états et non pas les liens.

Les enfants se servent donc de signaux « indices » et donnent donc une réponse mais elle est hors contexte.

Incapacité à réadapter la connaissance adaptée, stockée avec de nouveaux éléments. Il y a recodage constamment comme si ces informations étaient toujours nouvelles (ce qui est très, très fatiguant).

Ils travaillent en séquentiel et pas en simultané car le travail en simultané leur demande trop de capacités cognitives. Il faut donc ne demander qu’une tâche à la fois (et non pas : découper, coller, colorier pour donner la réponse). On réduit la tâche à une seule, on donne la réponse c’est tout. On ne met aussi qu’un exercice par feuille, c’est mieux.

Le schématisme

Construction d’automatismes de la pensée, d’astuces logiques (forme de généralisation de la pensée)

Possibilités d’établir des liens sans cause à effet, purement intuitif et totalement aberrant

Incapacité à identifier qu’une astuce fonctionne dans un registre précis et non pas de façon générale

Procédé économique mais peu efficace : l’enfant ne comprend pas la réponse, il la donne automatiquement.

Exemple : les tables de multiplications.

Trucs et astuces en écrivant la table complète en en plaçant les chiffres (réponse) dans un ordre pseudo-logique en séparant même les unités et les dizaines.

Comportement qui peut amener à une déviance psychotique.

La régulation psycho-affective

Attitude de séduction, manipulation de l’adulte ou attitude de rejet ou de violence

L’enfant essaye par la séduction de ne pas répondre à la question : « tu en penses quoi, toi ? » ou alors s’arrange pour se faire virer de la classe (on lui donne des heures de colle, on le punit…) mais de toute manière, il ne répond pas.

 

La pensée de l’enfant ne s’accommode pas à la réalité.

 

Il faut avoir conscience que cette démarche est incohérente car sa finalité est de faire basculer dans un état affectif d’équilibre et non pas sur un plan cognitif.

 

On ne rejette pas ces enfants sur le plan affectif, ça ne ferait que les enfermer et les conduire à utiliser des systèmes de rejet ou de violence en réponse automatique. Il faut répondre à leur registre affectif mais les recadrer absolument sur le domaine cognitif.

LES DYSCALCULIES

–          de type numéral : lien entre nombre et chiffre

  • 6 devient 8, 56 devient 42 – 612 s’écrit 600 12
  • de fait arithmétique : lenteur
  • Entraîne des difficultés aux connaissances et pas d’accommodation

–          de type procédurale : stratégie inadaptée

–          de type spatial : poser les opérations, inversion de chiffres, problèmes de signes

L' ÉVALUATION

1°) Évaluation par les tests

2°° Évaluation pour les fonctions cognitives

3°) Évaluation du registre psycho-affectif

Les principes de la réorganisation cognitive :

1-     Conscience des processus cognitifs

2-     Mettre en relation différentes situations

3-     Justifier la démarche

4-     Expliquer les règles opérantes (généralisation)

5-     Anticiper

6-     Confrontation des points de vue et démonstration

7-     Appropriation des réussites et des échecs

Les savoirs sont construits en situation d’exploration, d’expérimentation et de résolution de problème : l’activité est le fondement de la connaissance. Il faut parler verbaliser et faire découvrir, on apprend par essais et erreurs. Il important de laisser aller l’enfant au bout de ses erreurs pour qu’il comprenne que justement c’est une erreur, sinon, il reproduira le même schéma. En revanche quand il a compris que son cheminement avait une erreur, on peut l’alerter en lui demandant de se rappeler ce qu’il avait fait et là où ça l’avait conduit.

La situation se décode en fonction des outils cognitifs : le « déjà-là » est essentiel dans l’apprentissage.

Quand l’enfant est confronté à une problématique trop difficile, on ne change pas le devoir ou l’exercice. On décompose avec lui, sinon dans une même problématique, il se souviendra que c’était trop dur et psychologiquement ne pourra se mettre dans un état cognitif satisfait même si lors de sa re-présentation il est parfaitement capable de le faire.

Le savoir se construit en interaction. La réponse adaptée de l’environnement suscite l’activité du sujet.

Il est important pour les enfants différents de leur laisser l’envie d’apprendre.

Laisser les enfants organiser eux-mêmes leur pensée, ne pas la formater afin qu’il puisse la généraliser par la suite.

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