Les différentes formes de dysphasie

La dysphasie est un trouble neurodéveloppemental du langage oral durable et persistant. Les différentes formes de dysphasie varient suivant les composantes même du langage. Quelles sont les différentes composantes du langage oral ? Quelles sont les différentes formes de dysphasie ?

La dysphasie impacte l’expression et/ou la compréhension du langage oral. Comme ces manifestations varient, elle s’exprime différemment d’un individu à l’autre.

Lire : qu’est-ce que la dysphasie ?

La manière dont va s’exprimer la dysphasie va dépendre des composantes du langage qui seront affectées. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas vraiment de tableau-type concernant la dysphasie, mais plutôt des dysphasies. Il y a donc différentes formes de dysphasie. Les différences individuelles peuvent donc être importantes.

De plus, ces différentes formes de dysphasie peuvent varier en fonction de l’âge de l’enfant et des rééducations reçues.

Les différentes formes de dysphasie

Le langage, des formes répertoriées.

Pour acquérir le langage oral, l’enfant dispose d’une organisation cérébrale qui progressivement s’améliorera, en fonction de l’environnement de la langue à laquelle il est soumis, et de son environnement social.

Dès son plus jeune âge, l’enfant est capable de distinguer les phonèmes. Cette distinction phonémique se réalise de toutes les langues. Il faut attendre qu’il ait l’âge d’un an pour qu’il commence à spécialiser ses capacités perceptives, en sélectionnant uniquement les phonèmes liés à sa langue maternelle.

Bébé langage formes de dysphasie
Depuis tout petit, l’enfant est soumis à un bain de langage.
Photo source Pexels.com

Petit à petit, l’enfant distingue donc les différents phonèmes constituant sa langue maternelle. Ce sont les indices qu’il a perçus d’un point phonétique qui l’aide l’enfant à discriminer les mots entendus. Ainsi, il a des repères pour segmenter le flux sonore des mots entendus. Il utilise également le contexte lié à la situation à laquelle il est soumis pour comprendre le mot perçu. Il donne donc une signification à ce mot en fonction de son contexte (sémantique et pragmatique). Il associe alors les syllabes prononcées à des objets. Pour que ces représentations soient justes, il fait alors de catégories, des relations, des similarités et des différences. Il mémorise toutes ces représentations et son lexique se développe.

Ce développement lexical s’accélère vers 24 mois.

Le langage se décline selon les registres de la prosodie (musique de la parole), de la phonologie (organisation des phonèmes), du lexique (répertoire des mots), de la morphosyntaxe (construction des phrases), de la pragmatique (règles de la communication). Le registre de la sémantique est transversal : pour accéder au sens, il est nécessaire d’extraire les indices des autres registres.

Extrait de « Le développement du langage oral » de Monique Plaza

Les composantes des compétences langagières

Ce langage oral repose sur l’acquisition de plusieurs compétences. Les différentes composantes de ces compétences langagières forment différents niveaux interagissant les uns avec les autres. La structure du langage se décompose sous trois aspects :

  • Un aspect structurel comprenant la phonétique, le lexique et la syntaxe
  • Un aspect pragmatique prenant en compte les aspects culturels : communiquer verbalement en prenant en compte les éléments situationnels et contextuels. L’aspect pragmatique prend en compte l’interaction sociale entre celui qui parle (le locuteur) et celui qui écoute (l’interlocuteur). L’aspect pragmatique du langage fait donc également référence aux relations sociales.
  • Un aspect sémantique portant le sens du langage.

L’aspect structurel est donc constitué de trois parties, constituant également des compétences langagières. Elles constituent le code linguistique.

Phonologie, lexique, syntaxe… pour bien comprendre

La phonologie fait référence aux sons de la langue et également aux séquences de sons dans les mots.
Le lexique est ce que l’on appelle plus couramment le vocabulaire.
La syntaxe renvoie à l’organisation des mots dans une phrase et au respect des règles de la langue utilisée.

Un autre point est également à prendre en compte dans cette acquisition du langage : la mémoire. Mémoire et langage sont deux fonctions imbriquées permettant le stockage des mots (dans le lexique), la récupération des mots connus et la compréhension.

Les différentes formes de la dysphasie

Depuis plusieurs années, différentes classifications ont été proposées, comme par exemple, celles d’Ajurriaguerra en 1958; Benton en 1964; Bishop et Rosenbloom en 1987; Rapin et Allen en 1988;… Néanmoins, aucune de fait consensus. Ces différentes classifications permettent de comprendre les différentes formes de dysphasie.

Je retiendrai la classification réalisée par Gérard, car elle prend en compte l’aspect systémique des relations réciproques dans les différentes composantes du langage. Selon Gérard, les différentes formes de dysphasie sont :

  • Syndrome phonologique-syntaxique
  • Trouble de la production phonologique
  • Dysphasie kinesthésique afférente
  • Dysphasie réceptive
  • Dysphasie mnésique
  • Dysphasie sémantique-pragmatique
  • Dysphasies sévères
  • Trouble expressif sévère

➔ Lire : Quand penser à une dysphasie ?

Les caractéristiques liées aux différentes formes de dysphasie

Syndrome phonologique-syntaxique

Performance réceptive est plus importante que la performance expressive

Difficulté majeure : défaillance dans la liaison formulation / programmation

  • Production verbale réduite
  • Langage inintelligibilité dû à l’altération du système phonologique (souvent jusqu’à l’âge de 6 ans)
  • Déformation des mots
  • Productions agrammaticales dues à l’altération de l’encodage syntaxique
  • Recours aux gestes et aux mimiques pour communiquer (donc pas de difficultés pragmatiques)
  • Stock lexical réduit

Trouble de la production phonologique

Performance réceptive est plus importante que la performance expressive

Difficulté majeure : défaillance dans le contrôle de la mise en chaîne phonologique

  • Fluence du langage normale
  • Langage inintelligibilité dû à l’altération du système phonologique : les déformations des phonèmes ne sont pas toujours les mêmes
  • Syntaxe souvent préservée
  • Difficultés dans la programmation entraînant des troubles séquentiels (difficultés à mémoriser l’ordre des phonèmes, des syllabes, et des mots ; nombreux retours en arrière dans leurs productions)

Dysphasie kinesthésique afférente

Trouble purement expressif, la compréhension est quasi-normale

Difficulté majeure : défaillance de l’organisation motrice de la parole

  • Trouble de l’organisation motrice de la parole par défaillance du contrôle phonologique.
  • Mouvement de recherche articulatoire (faisant penser à un bégaiement)
  • Fluence de mauvaise qualité, peu d’expression orale.
  • Pas de difficulté majeure au niveau lexical et syntaxique
L’organisation motrice de la parole est défaillante. Les schémas et les mouvements articulatoires sont donc mal sélectionnés. La synchronisation est déficiente laissant évoquer une dyspraxie verbale.

Dysphasies réceptives

Trouble de la compréhension

Difficulté majeure : défaillance du système de décodage

  • Altération majeure de la compréhension liée à un décodage déficient
  • Difficulté dans l’identification des modalités auditives importantes (il est possible que les bruits familiers non-verbaux ne soient pas reconnus)
  • Problème de syntaxe courant
  • Difficulté d’expression présente

Dysphasie mnésique

appelée encore lexicale-syntaxique

Difficulté majeure : défaillance du système de contrôle sémantique

  • Manque de mot non facilité par le contexte ou la facilitation phonologique
  • Pas de troubles phonologiques
  • Production courte pouvant masquer les difficultés. Les difficultés deviennent prégnantes lors des productions plus longues.
  • Problème de catégorisation sémantique : difficulté à stocker les mots nouveaux et à les réutiliser donc recherche constamment ses mots et la construction de ces phrases.

Dysphasie sémantique-pragmatique 

Difficulté majeure : défaillance du système de formulation

  • Peut passer inaperçue et faire illusion, car pas de problèmes phonologiques ou syntaxiques
  • Pas de problème de fluence
  • Trouble de la formulation : discours souvent calqué, peu informatif.
  • Bonne mémoire permettant de se souvenir des mots, et même des phrases sans toujours en comprendre la signification (notamment en fonction de son contexte).
  • Syndrome Cocktail Party souvent évoqué
  • Langage plaqué avec des persévérations, des associations étranges
  • Le contexte de la communication n’est pas pris en compte

Contrairement à tous les autres, le dysphasique sémantique-pragmatique n’est pas toujours conscient de son trouble.

Le caractère particulièrement déviant du système de communication évoque parfois les difficultés pragmatiques rencontrées chez les enfants autistes dits “high functioning”. Mais les enfants ayant une dysphasie sémantique-pragmatique ont une interaction non verbale normale, et s’ils n’arrivent pas à interpréter la cause du non aboutissement de leur communication, ils peuvent manifester une certaine perplexité.

extrait de « l’Enfant dysphasique » de Christophe-Loïc Gérard

Syndrome Cocktail Party est l’incapacité  d’une personne à focaliser son attention, dans une ambiance bruyante (type cocktail Party), pour suivre une conversation.

Trouble expressif sévère

Pour Gérard, il s’agit d’une catégorie d’attente pour les enfants qui à 6 ans n’ont pas de langage. Pour ces dysphasiques, des investigations neurologiques devront être réalisées afin de recherche, une possible lésion cérébrale.

Conclusion

Cette dernière forme de dysphasie «trouble expressif sévère » montre à quel point la dysphasie est un trouble complexe difficile à mettre dans des catégories figées. La forme de la dysphasie peut varier en fonction de l’âge de l’enfant. La prise en charge en orthophonie précoce est indispensable.

Quelle que soit la forme de la dysphasie, la prise en charge précoce en orthophonie est indispensable.

La dysphasie est toujours associée à d’autres troubles. Ces autres troubles seront en lien avec la forme même de la dysphasie.

➔ Lire : les troubles d’apprentissage

La prévalence des différentes formes de dysphasie est disparate. La dysphasie de type phonologique-syntaxique semble la plus courante (environ un tiers des dysphasies). Les dysphasie de type trouble de la production phonologique et réceptives, quant à elles, auraient une prévalence d’environ 20%. Ces trois types de dysphasie représentent donc ensemble un peu plus de 50% des dysphasies.

EN SAVOIR + SUR LA DYSPHASIE


Sources

Gérard, C. (1993). L’enfant dysphasique. Louvain-la-Neuve, Belgique: De Boeck Supérieur. 

Mazeau, M (2009). Neuropsychologie et troubles des apprentissages : du symptôme à la rééducation. Masson

David, J. (2005). Catégories langagières et cognitives : L’exemple des premiers apprentissages de l’écriture. Le français aujourd’hui.

Piérart, B. (2004). Introduction: Les dysphasies chez l’enfant : un développement en délai ou une construction langagière différente ?. Enfance

Piérart, B. (2004). Introduction: Les dysphasies chez l’enfant : un développement en délai ou une construction langagière différente ?. Enfance.

Plaza, M. (2014). Le développement du langage oral. Contraste.

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