EIP, HP, APIE : L’histoire « tristement » édifiante d’un APIE au collège

L’histoire « tristement » édifiante d’un APIE au collège.

Elle s’appelle Sarah, elle est en classe de 4ème au collège. Sarah est une bonne élève, que dis-je une excellente élève ! Depuis toujours, elle n’a que d’excellentes notes et une attitude irréprochable. Sarah est APIE, autrement elle fait partie de ses enfants à haut potentiel. Elle a un an d’avance. Comme tous les APIE, Sarah se débat aussi avec ses émotions.

Le sport, ce n’est pas son truc. Non pas qu’elle n’aime pas ça, elle est même inscrite dans un club de karaté. Elle a toujours pratiqué du sport en dehors de l’école, par plaisir et en même temps aussi pour essayer de compenser cette difficulté. Elle a fait de la gym, de la natation, du tennis. Son corps ne fait pas toujours ce qu’elle pense. Sarah n’est pas dyspraxique, elle est juste pas très douée en sport. Pas très douée, relativisons quand même, ce trimestre elle a 12 de moyenne et pourtant l’athlétisme, qui était au programme, n’est vraiment pas sa tasse de thé. C’est donc déjà une belle réussite. Elle, elle adore le français. Écrire, poser des mots sur le papier, attention pas n’importe quel mot : le mot juste, le mot vrai.

Cette petite Sarah est donc une brillante élève. Ce trimestre, elle a un peu plus 17 de moyenne générale. Depuis son entrée au collège, les professeurs ne tarissent pas d’éloge sur elle. C’était déjà le cas en primaire. Le saut de classe s’était d’ailleurs fait rapidement en primaire et Sarah a continué à être comme toujours en tête de classe. D’ailleurs, elle est encore ce trimestre la première de sa classe.

Et pourtant… au conseil de classe, Sarah s’est vu refuser les félicitations. Malgré ses efforts, son professeur d’EPS trouve qu’elle n’en fait pas assez. Il estime qu’elle ne s’investit pas dans sa matière. Son discours fait surement écho chez d’autres professeurs : Sarah ne participerait plus de la même manière, elle ne serait plus le moteur de la classe et surtout elle serait triste. On pourrait s’attendre à ce que cette tristesse questionne, interroge… mais non ! Il y a un constat, Sarah est triste et sa tristesse va être finalement sanctionnée : les félicitations lui sont refusées sur ce simple motif. Sarah n’a pas une attitude incorrecte en classe, elle est très respectueuse de ses professeurs, rend ses devoirs toujours dans les temps, n’est pas absente et ce, même en EPS malgré quelques problèmes d’articulation liés à la croissance. Conclusion : pas de félicitations malgré ses 17 et quelques de moyenne pour cause de tristesse (et un 12 en EPS) !!

Cette histoire aurait  pu commencer par « il était une fois » mais cette histoire est malheureusement vraie. Seuls, certains points ont été changés pour respecter l’intimité de cette toute jeune fille.

Personnellement, cela me questionne :

 

Des mesures subjectives.

A l’école, les notes sont vues comme des performances et généralement ces performances sont récompensées : j’ai donc un sentiment fort de contradiction. Avec plus de 17 de moyenne générale et une attitude correcte, les félicitations s’imposaient. 

Ces récompenses sont-elles un apport pédagogique ou non pour l’enfant ? Nous pourrions aussi nous interroger ces pratiques archaïques qui reposent trop souvent sur des jugements de valeur En effet, « les mesures positives d’encouragement », puisque c’est ainsi qu’elles s’appellent officiellement, sont décrites dans une circulaire du 1/08/2011(1). Quand je découvre cette circulaire, je suis interloquée car je n’y trouve aucune référence aux notes ou moyenne. je ne peux alors m’empêcher de repenser à tous les petits « dys » qui me disent souvent : mais pourquoi je n’ai jamais les encouragements, ils ne voient pas que je fais beaucoup d’efforts les profs ! » « c’est décourageant, les encouragements ne sont donnés que par rapport à la moyenne, ce n’est pas juste, ça devrait être pour encourager ». Les enfants sont souvent plein de bon sens, non ?

Leurs attributions sont très subjectives et c’est ce qui s’est d’ailleurs passé pour Sarah. Imaginez que vous attendiez à une prime de fin de trimestre et que votre patron vous annonce que finalement, comme vous n’avez pas été suffisamment gaie au travail, il ne vous la donnera pas. Heureusement, normalement, votre prime est régie par un objectif précisé dans votre contrat de travail ou une annexe dont vous avez eu clairement connaissance. Je jette alors un rapide coup d’œil dans le règlement intérieur de plusieurs collèges (celui figurant dans les carnets de correspondance et signé par les élèves) et je n’en trouve pas une ligne… Encore une fois nos enfants doivent accepter ce que bien des adultes n’accepteraient pas, encore une fois parce que ce ne sont que des enfants.

L’image envoyée et reçue.

Ces «mesures positives d’encouragement » sont mises, actuellement et généralement, en rapport avec la moyenne générale et le comportement de l’élève. Un élève ayant des problèmes de comportement et d’attitude (turbulent, insolent…) se verra refuser ces « félicitation », « encouragement »… et cela est estimé comme normal. Les critères retenus sont donc en lien avec ce qui est demandé dans le contexte scolaire de manière générale.

Sarah n’est pas récompensée pour son travail et son attitude parce qu’elle est triste. Mais la tristesse est une émotion, elle est donc du domaine du ressenti… et personne ne s’interroge sur la cause de cette tristesse ? Personne ne se questionne pour chercher une solution pour aider Sarah à être moins triste ? Non, plus simple, elle est sanctionnée ! Pour le coup, je trouve cela réellement triste : quelle image est envoyée à cette jeune fille ?

La tristesse, un signal d’alarme.

La tristesse non prise en compte comme signal d’alarme : Sarah n’a jamais été vue comme triste auparavant par ses professeurs. La période de l’adolescence est une période sensible. Chaque année, plus de 50 000 adolescents font une tentative de suicide(2). Le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes. Et si cette tristesse était le signe d’un véritable mal-être chez Sarah ? Personne n’a pris soin de rentrer en contact avec ses parents non plus pour en discuter avec eux : Sarah est-elle triste également à la maison ?

Les HP et le sport.

Pas forcément doués en sport, les EIP ont souvent, comme le décrit Jean-Charles Terrassier, avec une dyssynchronie existe entre « intelligence » et « psychomotricité »(3). Le développement psychomoteur des HP n’est pas aussi précoce que le développement intellectuel. Il est souvent dit également que « leurs pensées vont plus vite que leurs mains ». C’est une « défaillance » qui leur est souvent reprochée : comme si le fait d’avoir un haut potentiel devait toujours et encore les situer dans une sorte de perfection.

Personnellement, cela me fait toujours sourire (jaune bien sûr !) : notre système scolaire valorise-t-il l’EPS au même titre que les mathématiques ou le français ? Sarah fait de son mieux en EPS et en même temps, elle a également un an d’avance et le barème ne tient pas compte aussi de cette année de moins par rapport aux autres.

Consolation… réparation ?

Heureusement, certains professeurs sont venus voir Sarah pour lui faire part de leur désaccord. Maigre consolation mais consolation quand même… savoir que quelques adultes montrent leur désaccord lui permet de ne pas perdre confiance en eux.

L’hypersensibilité des HP oubliée

Un autre aspect me dérange également : c’est l’oubli de l’hypersensibilité des enfants à haut potentiel. Très souvent, les EIP ont une véritable souffrance intérieure avec une image d’eux-mêmes très abîmée. « …notre cœur se fait taillader régulièrement, par des petites griffures de la vie qui font qu’on ne cicatrice jamais. »(4). Sarah continue de sourire, elle dit que ce « n’est pas grave ».

C’est malheureux, on a l’impression à l’entendre que c’est presque normal…

(1): Le règlement intérieur dans les établissements publics locaux d’enseignement – NOR : MENE1120353C – circulaire n° 2011-112 du 1-8-2011 – MEN – DGESCO B3-3. Voici L’extrait concernant « les mesures positives d’encouragement » :

« 2.5 Les mesures positives d’encouragement
La valorisation des actions des élèves dans différents domaines – sportif, associatif, artistique, etc. – est de nature à renforcer leur sentiment d’appartenance à l’établissement et à développer leur participation à la vie collective. À ce titre, les règlements intérieurs peuvent prévoir un système de récompense spécifique afin de prendre en compte les efforts des élèves tels que l’attribution d’« encouragements », de « tableaux d’honneur » ou de « félicitations ». Ces récompenses peuvent éventuellement donner lieu à une cérémonie officielle. Les actions dans lesquelles les élèves ont pu faire preuve de civisme, d’implication dans le domaine de la citoyenneté et de la vie du collège ou du lycée, d’esprit de solidarité, de responsabilité, doivent être prises en compte, selon des modalités fixées par chaque établissement, en relation étroite avec son projet pédagogique. C’est notamment le cas au collège avec la note de vie scolaire. »

(2) Source Doctissimo

(3) Guide pratique de l’enfant surdoué – Jean –Charles Terrassier et Philippe Guillou – Edition ESF

(4) Be Apie – Jean-François Laurent – Édition Hommes In Idées.com

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