Comment apprend-on à lire ?

Comment apprend-on à lire ? Savoir comment l’acte de lecture se met en place permet de mettre en place des aides et aménagements plus adaptés pour les personnes en difficulté de lecture ou pour les dyslexiques.

L’apport des neurosciences et des nouvelles techniques d’imageries cérébrales nous permettent aujourd’hui d’avoir une certaine connaissance le fait d’apprendre à lire. La science avance sur le sujet, il reste encore tellement de choses à découvrir, le fonctionnement et l’organisation de notre cerveau étant complexes.

Comment apprend-on à lire selon les neurosciences ?

Stanislas Dehaene dans son livre « Les neurones de la lecture » explique que notre cerveau n’a pas été conçu pour apprendre à lire. Entendons par « conçu » le fait que notre cerveau n’a pas subi d’évolution depuis le stade de l’Homo-Sapien ». L’homo sapien, c’était il y a 5 mille ans.

Au regard d’une vie d’homme, ce temps parait considérable mais en terme d’évolution, ce n’est qu’une goutte d’eau. Il parle donc de recyclage neuronal.

Conseil de lecture


Plus récemment, en 2021, autour de Stanislas Dehaene, différents chercheurs et spécialistes incontestés se sont réunis pour nous expliquer tout ce qu’il est possible de faire aujourd’hui pour qu’élèves et professeurs puissent tirer le meilleur profit des recherches expérimentales qui sont menées dans le champ éducatif.

A lire si vous voulez en savoir plus :

L’école éclairée par la science – S. Dehaene – Editions Odile Jacob

Comment apprend-on à lire ? 

La mise en place de lecture est le fruit d’un processus comprenant plusieurs étapes.

Le stade logographique ou pictural

Le premier stade est le stade logographique ou pictural

A ce stade, l’enfant reconnaît des mots comme son prénom, son nom de famille, quelques prénoms de ses camarades de classe, la marque de sa boisson préférée….

Il va s’appuyer sur des indices visuels pour reconnaître des mots.

Il se crée un lexique pictural (ce lexique peut même être conséquent puisqu’il peut aller jusqu’à une centaine d’images).

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C’est la période où les enfants vont reconnaître son prénom par exemple. Ils peuvent également reconnaître leur marque préférée ou des logos auxquels ils sont soumis régulièrement.

A ce stade, l’enfant ne lit pas, il devine le mot par prise d’informations visuelles. Certains parents, à tort, pensent d’ailleurs que leur enfant commence à lire. L’enfant n’est pas dans un acte de lecture. Il apprend à prendre des informations visuelles et à les associer.

Durant ce stade, il s’agit de reconnaître des mots de manière picturale (logographique) et de l’associer à des mots de sa langue. L’enfant apprend à prendre des indices visuels qui lui serviront par la suite pour reconnaitre les lettres et à les associer à des indices linguistiques.

De la même manière, par reconnaissance visuelle, sans même avoir besoin de lire ou de savoir lire, la plupart des gens identifieront qu’il s’agit du panneau stop…et ce même si les lettres sont supprimées.

Le stade phonologique : le début de la lecture

Le stade phonologique est le stade où l’on associe une lettre ou une chaine de lettre à sa prononciation. C’est le début de la lecture.

On découvre que « a » se dit « a », que le « b » se « chante » « be »…

b + a = ba

L’enfant apprend à lire et surtout à mettre du sens sur ce qu’il lit.

Ce stade implique la mise en place correcte de certaines compétences :

→ L’ attention

Il va falloir que l’enfant ait des capacités d’attention compétentes pour pouvoir discriminer chaque lettre et notamment faire attention à chaque détail des mots.

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Exemple :

Lorsque l’on lit la lettre C, il faudra porter son attention sur la lettre suivante. Ce C est-il suivi par un E, un A ou bien encore un H. Suivant la lettre qui l’accompagne sa prononciation s’en trouvera modifiée.

L’attention focalisée se trouve alors sollicitée.

→ La mémoire

Il est important d’avoir des compétences mnésiques (mémoire) et notamment en termes de mémoire de travail.

La mémoire de travail est la mémoire que l’on utilise pour faire un travail. Elle permet à la fois de faire du stockage d’information et du traitement. Sa capacité est limitée (l’empan moyen chez un adulte normal est d’environ 7 informations isolées  traitées en même temps). Elle permet de faire des manipulations (limitées dans le temps) durant une tâche.

L’information qui est stockée permet de réaliser rapidement la tâche suivante. Cette mémoire est de courte durée (environ 30 secondes) et est sensible à tous éléments distracteurs (bruit notamment).

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Exemple :

Quand on fait un exercice de mathématique, le calcul effectué est réalisé grâce à la mémoire de travail. Le résultat n’arrive pas de manière magique, mais est bien la conséquence d’opérations mentales nécessitant un stockage. Si je pose l’opération suivante : 143 + 28 =

Je commence par faire 3 + 8 = 11. Je garde dans ma mémoire de travail le 1 et sa retenue.

Autre exemple :

Le numéro de téléphone que l’on lit juste avant de le composer est conservé dans notre mémoire de travail

C’est la mémoire a mémoire à long terme lui permettra de stocker ses apprentissages.

Conseil de lecture


La mémoire de travail est fréquemment déficitaire chez les personnes dys. Grâce à différentes activités ludiques, il est possible de faire travailler cette mémoire de travail, voire même de la faire progresser.

Il est possible d’améliorer sa mémoire de travail à tout âge.

A lire si vous voulez en savoir plus :

100 idées pour stimuler sa mémoire de travail – G. Bussy – Editions Tom Pousse

→ L’aspect visuel

C’est là où commence réellement la lecture. La région centrale de la rétine, appelée « fovea », est la seule utile dans l’acte de lire. Elle occupe environ 15% du champ visuel et c’est elle qui capte les lettres et les détails. Cette région est donc étroite et c’est parce qu’elle est étroite que pour lire nos yeux vont devoir bouger. On parle alors de saccades oculaires.

Lors d’une saccade oculaire, notre œil est capable de voir (identifier) un certain nombre de lettres : d’une dizaine pour un lecteur expert, de 3/5 pour un lecteur débutant. C’est ce que l’on appelle l’empan visuel. De la performance de cet empan visuel dépendra la vitesse de lecture et donc de l’efficacité des saccades oculaires (mais également de la poursuite oculaire car elle permet de suivre correctement une ligne).

La lettre entre alors dans notre système visuel et est alors décodée avec une analyse de l’ordre dans lequel elles sont mises. Il y a donc en premier lieu une reconnaissance visuelle des lettres. Cette reconnaissance est réalisée par les mêmes parties du cerveau quelque soit la langue lue.

Notre système visuel également prendre des repères : on parle de la reconnaissance invariante du mot (police, mise en gras, taille de caractère, majuscules, minuscules, soulignement…). Ce qui fait que le mot « neuf » est toujours reconnu comme étant le mot « neuf » et ce même quelle que soit la manière dont il est écrit.

Notre système visuel ne retient donc que les informations pertinentes qui vont lui permettre non pas de reconnaître le mot par ses contours mais parce qu’il reconnaît l’invariance de la suite de lettre. Il néglige donc les informations non pertinentes et augmentent les informations pertinentes pour les rendre accessibles au lecteur.

On fait donc la différence visuelle entre paquet et parquet.

Exposer à un mot, environ 50 millisecondes plus tard, l’information commence à être triée et  les mots suscitent une activation de l’aire de reconnaissance visuelle des mots.

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La reconnaissance visuelle des mots est dépendante de la qualité de ton empan visuel. Plus l’empan visuel est de bonne qualité, plus le tri des informations sera rapide et efficace. Pour cela, il est donc nécessaire d’avoir une bonne acuité visuelle et également des bonnes compétences neurovisuelles.

En cas de troubles neurovisuels, la lecture s’en trouve affectée.

→ Les habilités phonologiques

Il parait évident qu’il faut apprendre à quel son correspond tel graphème. Il faut donc attribuer le bon son au bon graphème. L’enfant apprend donc le code phonémique.

L’écriture vient en appui lors de l’apprentissage du code phonémique et vis-versa, autrement dit l’apprentissage du code phonémique vient en appui à l’écriture. Les phonèmes sont donc convertis en graphèmes et les graphèmes en phonèmes.

On pense que l’analyse se fait sur multiples niveaux. On sait qu’elle suit le cheminement suivant :

Lettres →Graphèmes →Syllabes →Morphèmes →Mots

Petit lexique simple :

Phonème : plus petite unité de son (langage parlé). Ex : genou est composé de 4 phonèmes : g-e-n-ou

Graphème : écriture d’un phonème (analogue du phonème mais à l’écrit). Ex : genou contient également 4 graphèmes : g-e-n-ou

Syllabe : son produit par une seule émission de voix qui est produit par une voyelle seule ou jointe à d’autres lettres. Ex : magnifique contient 4 syllabes : ma-gni-fi-que

Morphème : unité grammaticale ayant un sens et une forme, c’est la plus petite unité signifiante. Ex : réapprovisionnement contient 3 morphèmes : ré-approvisionne-ment.

C’est cette décomposition qui va permettre de donner du sens à un mot.

comment apprend-on à lire image des deux voies de lecture
Avec la correspondance graphème et phonème, la voie par assemblage se met en place. Elle permet le développement du lexique phonologique. Dans un second temps, c’est la voie lexicale qui se mettra en place utilisant une procédure par adressage.

A ce stade, le temps mis pour lire dépend :

  • Du nombre de lettres
  • De la complexité de graphèmes
  • De la nature du mot
  • De sa fréquence dans la langue

Le stade orthographique :

Le stade phonologique mis en place, la lecture débute réellement. Petit à petit, c’est un véritable lexique phonologique qui se crée. Il permettra, par la suite, la mise en place d’une seconde voie : la voie lexicale. Ainsi, le mot est reconnu comme une entité. Le lexique orthographique peut alors se créer.

Nous savons :

  • que la voie phonologique et la voie lexicale fonctionnent simultanément chez les lecteurs experts.
  • que la voie phonétique n’est donc pas exclusivement réservée aux lecteurs débutants. Tous les lecteurs utilisent la voie phonétique lorsqu’ils sont, par exemple, soumis à un mot inconnu complexe.

La mise en place de ce lexique orthographique est encore mal connue.

Actuellement, on pense qu’il y aurait une sorte de photographie du mot, puis une reconnaissance et enfin viendrait le sens. La mise en place de la voie lexicale se ferait en même temps. Ces deux voies travailleraient simultanément donc en parallèle, l’une soutenant l’autre.

« Lecteurs experts et surentraînés, nous avons l’impression d’une reconnaissance immédiate et globale des mots. C’est une intuition trompeuse. Notre cerveau ne passe pas directement de l’image des mots à leur sens. A notre insu, toute une série d’opérations cérébrales et mentales s’enchaînent avant qu’un mot ne soit décodé. Celui-ci est disséqué, puis recomposé en lettres, bigrammes, syllabes, morphèmes… La lecture parallèle et rapide n’est que le résultat ultime, chez le lecteur expert, d’une automatisation de ces étapes de décomposition et de recomposition »

Extrait de « Les neurones de la lecture », Chapitre 5 « Apprendre à lire » – p°290

Les neurones de la lecture
Stanislas Dehaene
Odile Jacob

La mise en place de l’orthographe serait donc l’étape ultime liée à la mise en place précédemment d’une connaissance phonétique avec une liaison constante de conversion graphème-phonème.

Cette connaissance permettra de mettre en place un lexique phonétique. La mise en place de ce lexique phonétique permettra par la suite la mise en place d’une voie lexicale. La mise en place de ces deux voies permettra un traitement orthographique et donc petit à petit de se créer un lexique orthographique.

Une procédure pas toujours si simple

On se rend compte que tout n’est pas si simple.

Il faut prendre en compte aussi toutes les irrégularités de notre belle langue française : les lettres silencieuses (exemple : très), les homonymes (exemple : vert, verre, vers), les mots étrangers (exemple : football, yacht), les bizarreries (exemple : femme, orchestre…).

La langue française est loin d’être une langue transparente. Une langue est dite transparente lorsqu’un graphème représente un seul phonème et inversement. Plus la langue est régulière, plus elle est transparente, plus il est facile de faire appel à notre voie d’assemblage. Il n’y a moins d’ambiguïté.

La langue française est donc une langue irrégulière et donc opaque, car elle compte 190 graphèmes pour écrire 35 phonèmes.

Certaines langues sont plus transparentes que le français comme l’italien (33 graphèmes pour 25 phonèmes), d’autres plus opaques comme l’anglais (1120 graphèmes pour 40 phonèmes).

Lecture et dyslexie

La régularité d’une langue influence les difficultés de lecture et d’orthographe. Le pourcentage de dyslexiques varie selon l’opacité de la langue pratiquée. On remarque qu’il a plus de dyslexiques dans les pays dont la langue est opaque.

Vous vous questionnez, vous avez besoin d’être accompagné, de mieux comprendre certains fonctionnements ou dysfonctionnements, de trouver des aides pour gérer le quotidien, des conseils, de recommandations concernant la scolarité, l’organisation des devoirs, d’être guidé en tant que parent ?


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