Article de presse : « Décrochage scolaire et dyslexie »

Décrochage scolaire : « Ma fille avait besoin que les profs l’aident »

 

Le ministre de l’éducation nationale Luc Chatel veut faire de la lutte contre le « décrochage scolaire » une priorité. Entre juin 2010 et mars 2011, 254 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. Parmi eux, 180 000 jeunes sont considérés comme « perdus de vue » par le ministère de l’éducation nationale.

Confrontés au « décrochage » de leur enfant, des parents témoignent de la difficulté de sortir du cercle vicieux de l’échec scolaire. Mauvaise orientation, manque de suivi, rigidité du système scolaire, évaluation archaïque : autant d’éléments qui conduisent des jeunes « en souffrance » à quitter le chemin de l’école.

  • Que de temps perdu !, par François G.

Mon fils a quitté l’école en troisième, sans diplôme, après une scolarité difficile. Il avait du mal à suivre, comme on dit, et pourtant, c’était un enfant qui travaillait du mieux qu’il pouvait. Peu encouragé par les professeurs en primaire (« votre fils est en difficulté »), nous avons observé une nette amélioration en classe de CM1, avec un instituteur qui pratiquait ce qu’il appelait le « compagnonnage ». L’adolescence est arrivée, mon fils a peu a peu endossé le rôle du garçon « en échec scolaire ».

Il a arrêté l’école avant le BEPC, en réelle souffrance par rapport au milieu scolaire. Que de temps perdu ! De l’écoute, du soutien, un suivi valorisant, un « référent » scolaire, un projet, … voilà ce qui a manqué.

  • Remettre en cause le système d’orientation, par Omar B.

Personnellement, je pense qu’il faudrait remettre en cause le système d’orientation actuel. Les conseillers ne se basent que trop souvent sur les notes, et très peu sur la personnalité de l’élève. Et au final, les élèves sont aiguillés vers des filières qui ne leur correspondent pas, et éprouvent donc beaucoup de difficultés, à la fois dans l’apprentissage, mais aussi dans l’intégration.

  • Le redoublement est inutile, par Maxime A.

Le redoublement est inutile, les établissements nordiques le prouvent. Le système scolaire français est déficient, incomplet et de plus en plus élitiste. Deux ans de retard, voire plus, cela ne fait que dévaluer des jeunes qui se sentent déjà en situation d’échec, et se trouvent dans la même classe que des élèves qui n’ont pas la même maturité.

  • Dyslexique et en souffrance, par Sylvie D.

Notre fils a eu tout au long de son parcours scolaire des difficultés à cause de sa dyslexie. A aucun moment, nous n’avons réussi à trouver une solution dans le système scolaire pour l’empêcher d’éprouver la souffrance de l’échec. Mais pour rentrer dans le moule « académique », il ne faut pas avoir de problème de santé. Notre système est mal fait : il a aujourd’hui presque 19 ans il n’arrive pas a rentrer dans le monde du travail à cause de manque de formation. De notre coté, tout a été mis en oeuvre, il a toujours été suivi par un orthophoniste.

  • Pas de place pour l’erreur, par Pierre C.

Au lycée, alors même que nos jeunes doivent choisir leur orientation, on présente aux élèves les différentes filières comme une fatalité. La mise en place de « voies royales » tel que le bac S, effectué par mon fils, est une – parmi tant d’autres – expression de cette désorientation permanente. C’est à cause de cela que mon fils, dégoûté par tout ce processus, a lentement été conduit vers le décrochage.

L’organisation actuelle d’orientation scolaire ne laisse pas de place aux erreurs, qui sont la base même de l’apprentissage. Une personne mal orientée alors prise dans les mailles du filet, est petit à petit poussée à la déscolarisation.

  • Ma fille avait besoin de plus de temps, par Evelyne M.

Ma fille a quitté l’école après la 3e . La « compétition » scolaire ne lui convenait pas, elle avait besoin de plus de temps, elle avait besoin que les profs l’aident, mais ils n’étaient intéressés que par les bons élèves, alors elle s’est persuadée qu’elle ne pouvait pas faire d’études. Il n’y a aucune souplesse de l’institution scolaire pour des élèves comme ma fille.

  • L’école, une institution fermée par Maya

Loin d’être un imbécile ou un fainéant, mon compagnon a quitté le système scolaire parce que l’école est une institution où il ne se sentait pas bien. Les adultes y passent leur temps à dire aux élèves ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire. Ayant moi-même été professeur au Royaume-Uni, je confirme ce sentiment que m’ont confié plusieurs élèves. Les enfants ne s’épanouissent plus dans le milieu scolaire parce qu’on les y enferme, on les y martèle de règles et d’informations complètement abstraites.

  • Aucune aide financière

Après avoir abandonné l’école, mon fils se retrouve sans revenus pour débuter dans la vie active. Il ne peut pas bénéficier du RSA, une aide qui serait pourtant fortement utile dès l’âge de 18 ans, ne serait-ce que pour passer le permis de conduire et avoir une chance de plus pour trouver un emploi.

  • Pistes de réflexion, par Geneviève M.

Conseillère en Mission locale, mon travail est d’accueillir et d’accompagner au quotidien des jeunes sortis du système et principalement sans diplôme. Si un accompagnement plus individualisé (classes moins chargées par exemple) des moyens avaient été mis en place (plusieurs stages découverte de métiers pour valider leur projet professionnel, présentation de métiers par des entreprises), des interventions de spécialistes (psychologues ou orthophoniste par ex), la majorité de ces jeunes n’aurait pas besoin de frapper à notre porte.

 

Publié par le Monde.fr, le 14/05/2011.

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